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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 17:01

La fabrication de l’intrication ?

Je saisi l’occasion de la publication opportune de l’article du 5/10/2022 de Physics.aps.org : « Une ligne d’assemblage de l’intrication quantique », pour relever le fait que les physiciens ont jusqu’à présent, à mon avis, exprimé très (trop) peu de curiosité sur les conditions de réalisation de l’intrication et quel est le processus effectif en jeu. Je formule l’hypothèse qu’en connaissant plus précisément les conditions et les paramètres physiques que nous devons réunir pour fabriquer des états quantiques intriqués, nous ouvrirons la voie qui nous permettra lever le voile du caractère toujours qualifié étrange, aujourd’hui, de ce phénomène.

Ci-dessous le contenu essentiel de l’article : « Une nouvelle expérience génère de l’intrication entre plusieurs photons avec une plus grande probabilité que les méthodes habituelles, ce qui pourrait améliorer les applications en information quantique. Le calcul et la communication quantiques souvent dépendant de l’intrication d’un ensemble de plusieurs photons. Mais pour obtenir ces états multi-photons c’est un peu comme jouer à la loterie, puisque générer de l’intrication entre des photons ne réussit que sur des petites fractions de temps (sic). Une nouvelle expérience montre comment améliorer la probabilité de réussir dans ce jeu quantique. La méthode fonctionne comme une ligne d’assemblage d’intrication, dans laquelle des paires de photons intriquées sont créées dans un ordre successif et combinées avec des photons stockés.

La méthode traditionnelle pour obtenir l’intrication de plusieurs photons nécessite une collection importante de sources de photons. Chaque source génère simultanément une paire de photons intriqués, et par la suite ces photons interfèrent entre eux. Le processus est probabiliste, ce qui fait qu’à chaque étape la réussite de la production de paires intriquées est de 1 sur 20 essais. La probabilité empire exponentiellement lorsque l’intrication d’un nombre de plus en plus important de photons est tentée.

Dans la suite de l’article il nous est expliqué une technique permettant d’obtenir dans de meilleures conditions un état de multi-photons intriqués : « Christine Silberhorn de l’Université de Paderborn en Allemagne, avec ses collègues a développé une nouvelle méthode qui offre un taux de succès notamment plus élevé. Ils utilisent une source unique qui génère une succession de paires de photons polarisés et intriqués. Après que la première paire est créée, un de ces photons est stocké dans une boucle optique. Quand la source crée une nouvelle paire (ce qui peut exiger plusieurs essais), un de ces photons interfère avec le photon stocké. Si cela se réalise, cette interférence crée un état d’intrication de 4 photons. Le processus peut continuer – avec de nouvelles paires étant générées et un photon étant stocké – jusqu’à ce que l’état de multi-photons désiré soit atteint. » Effectivement, exploiter le fait déjà connu et appliqué qu’une intrication peut se transmettre via, par exemple, un photon, permet d’améliorer le résultat recherché.

Dans un article du 1e Mars 1998, « Fondements de l’information quantique », Anton Zeilinger explique comment à cette époque on obtenait directement des photons intriqués : « Quand un faisceau laser ultraviolet frappe un cristal de béta-borate de baryum (BBO), matériel qui a des propriétés optiques non linéaire, il y a une petite probabilité qu’un des photons se désintègre en une paire de photons avec une longueur d’onde plus grande (conservation de l’énergie). Les deux photons sont émis dans deux cônes et se propagent dans des directions symétriques à la direction du photon UV original (conservation du moment). Un des photons est polarisé horizontalement et l’autre est polarisé verticalement. Il est possible d’arranger l’expérience de telle façon que les cônes se superposent. Dans cette géométrie, les photons n’ont aucune polarisation individuelle – ce que nous savons c’est que leur polarisation respective est différente. Nous avons affaire à un état intriqué. » »

Dans son article de 1998, A. Zeilinger nous explique la technique d’obtention de ce qu’on pourrait nommer un bi-photon par une voie naturelle. L’intrication des deux photons constitutifs du bi-photon est originelle. Maintenant l’exploitation des propriétés de l’intrication nous conduit à fabriquer de l’intrication d’objets quantiques à grande échelle impliquant de plus de l’intrication multiple. L’obligation technique ne devrait pas occulter le fait que nous sommes parfaitement ignorant des conditions de l’obtention de l’intrication. La voie empirique telle qu’elle est décrite dans l’article du 05/10 et l’évaluation de la réussite, en termes purement probabilistes, ne peut être que transitoire. Les physiciens concernés par le phénomène de l’intrication doivent persévérer et être curieux sur les conditions et les mécanismes qui font que l’intrication de deux objets peut être volontairement obtenue. Autant que je sache, je n’ai pas remarqué, au jour d’aujourd’hui, de publication qui se soit attaquée à ce problème.

Dans l’article du 05/10, il est indiqué que les photons interfèrent entre eux, condition de l’obtention de leur intrication appréciée en terme de pure probabilité. Il en résulte que nous sommes ignorants de la raison pour laquelle nous obtenons des objets intriqués ou pas. Pourtant il est dit que les photons interfèrent entre eux, c’est donc la reconnaissance qu’il se produit quelque chose entre eux, une sorte d’interaction, pour qu’il en résulte un ensemble intriqué. Pourquoi, comment, on obtient un résultat positif ? Etant donné que la fabrication se réalise en laboratoire, une très importante gamme de tests peut être réalisée pour améliorer la probabilité d’obtention d’ensembles intriqués. Découvrir les meilleures conditions de réalisation de l’intrication cela s’obtient en réduisant le caractère aléatoire et donc purement probabiliste de sa production. Avec le prolongement de cette logique on peut espérer isoler le minimum de critères donc le minimum de conditions physiques pour obtenir une probabilité optimale de l’obtention d’une intrication. Procédant ainsi on s’engage dans un processus vertueux nous rapprochant de l’élucidation concrète à propos de cette propriété physique. Arriver à comprendre comment, à coup sûr, on obtient de l’intrication, c’est évidemment savoir pourquoi le destin des objets intriqués nous apparaît comme tel. On pourra se libérer ainsi de l’argument de la ‘Spooky Action’. Si je puis me permettre on aura donc dépassé la période : « Intrique et tais-toi »

Puisque générer de l’intrication entre des photons ne réussit que sur des petites fractions de temps. Cette phrase dans l’article récent retient toute mon attention, bien que par manque de précision elle peut être interprétée de façons différentes. Soit dans le cadre de l’interprétation purement probabiliste, pendant un temps limité on obtient ou pas le résultat recherché. Soit il a été remarqué que la réalisation de l’intrication implique des petites fractions de temps de contact entre les photons et dans ce cas, il faut comme dans tout processus scientifique, réduire la dimension subjective voire l’annuler et chercher à évaluer la valeur effective de cette petite fraction de temps.

Selon mon hypothèse exprimée dans mon blog depuis 2012 (voir article, ‘Synthèse : un monde en Présence’), cette fraction de temps devrait être au maximum de l’ordre de 10-26-28 s. En deçà de cette durée l’observateur est aveugle. Cela correspond à la valeur que je qualifie comme étant le Temps propre du Sujet : TpS. J’ai, une fois de plus, rendu compte d’une expérience qui pourrait tester la validité de cette hypothèse, dans mon blog, voir l’article du 08/07/2022. Certes, on pourrait imaginer des expériences plus simples ! Avec cette hypothèse je propose de prendre en compte qu’une limite rédhibitoire des capacités cérébrales de l’observateur générique s’impose. On peut en déduire, en tenant compte de la vitesse maximale correspondant à celle de la lumière, que la distance spatiale limite en deçà de laquelle on ne peut plus voir, ni concevoir, est de l’ordre de 10-5 Fermi. Depuis longtemps nous sommes bornés effectivement par la valeur de 10-3Fermi, taille estimée de l’électron par certains physiciens, quand d’autres reconnaissent qu’on ne peut même pas faire cette estimation.

Dans le cadre de cette problématique on devrait méditer le fait que, par exemple, dans les détecteurs au LHC, on ne peut pas voir le boson de Higgs car il a une durée de vie très courte, on ne peut ainsi que le reconstituer à partir des produits de sa désintégration.

Pour mon compte, ‘l’espace-temps étant un propre de l’être humain’, lorsque le physicien n’a pas à l’origine la capacité de discerner ni de saisir les conditions spatio-temporelles correspondantes à la formation d’un système physique constitué d’éléments quantiques, il ne peut pas par la suite discerner, après coup, les trajectoires spatio-temporelles des éléments constitutifs du système. J’ai rencontré, ce qui pourrait être considérée comme une confirmation de cette hypothèse en lisant l’article du 30 Mai 2022 dans Phys.org : « Superposition and entanglement flee the quantum nest » ; soit : « Superposition et intrication quitte le nid quantique ». J’ai déjà cité cet article avec la publication dans mon blog le 8/07/2022 avec le commentaire suivant : « La cause première de l’intrication c’est notre limite propre appelée TpS, on ne peut distinguer dans un intervalle de temps inférieur à TpS deux objets, pour nous ils ne peuvent être que dans la même bulle spatio-temporelle : donc superposés. Le corpus mathématique de la mécanique quantique est la conséquence de cette cause première. »

 

Je fais maintenant référence à un article datant du 21 Octobre 2022 proposé par le National Institute of Standards an Technology (NIST) : « An entangled matter-wave interferometer. Now with double the spookiness » ; soit « Un interféromètre avec onde de matière intriquée. Maintenant avec un doublement de ‘l’action fantôme’. »

En premier lieu, je cite la phrase suivante : « To entangle two objects, one must typically bring them very, very (sic) close to each other so they can interact.”, soit : « Pour intriquer deux objets, nous devons typiquement les placer très, très, proche l’un de l’autre ainsi ils peuvent interagir. » Là encore : « très, très, proche », signifie que l’on continue de se satisfaire de l’appréciation subjective qui à mon sens ne devrait plus perdurer.

La phrase suivante de l’article pourrait annuler la valeur de mon hypothèse : « The Thompson group has learned how to entangle thousands to millions of atoms even when they are millimeters or more apart (sic). They do this by using light bouncing between mirrors, called an optical cavity, to allow information to jump between the atoms and knit them into an entangled state. Using this unique light-based approach, they have created and observed some of the most highly entangled states ever generated in any system be it atomic, photonic, or solid state.”; soit : “Le groupe de Thompson a appris à intriquer des milliers, voire des millions d’atomes, même lorsqu’ils sont distants de quelques millimètres ou plus (sic). Il l’obtient en utilisant la lumière, rebondissant entre les miroirs, appelée cavité optique, pour permettre à l’information de sauter entre les atomes et de les unir étroitement dans un état intriqué. En utilisant cette approche unique basée sur la lumière, il a été créé et observé certains des états les plus intriqués jamais générés dans un système, qu’il soit atomique, photonique ou solide. »

Après réflexion je ne pense pas que ce programme de production d’intrication remette en cause mon hypothèse car l’intrication est obtenue grâce à la lumière, rebondissant entre les miroirs et grâce à son interaction intime avec les atomes elle transmet la caractéristique de l’intrication. Cette technique est exploitée depuis l’époque où il a été tenté avec succès d’intriquer des atomes de fullerène, des diamants macroscopiques à l’aide de photons voire de phonons et dans ce cas c’est le suivi de l’information qui caractérise l’état de l’intrication qui ne peut être assuré par l’observateur.

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15 octobre 2022 6 15 /10 /octobre /2022 11:41

Trois niveaux hiérarchiques du traitement cérébral de l’information

Depuis la fin septembre, je suis dubitatif à l’égard d’un article intitulé : « Un nouveau modèle informatique du développement du cerveau », dont la source est l’Université de Montréal. Cet article relate une étude qui a fait la couverture de la revue ‘Proceedings of the National Academy of sciences’, rendant compte du développement neuronal sur trois niveaux hiérarchiques de traitement de l'information. Le niveau sensorimoteur explore comment l'activité interne du cerveau intègre des régularités statistiques à partir de la perception sous forme de schémas et les coordonne avec l'action. Ensuite, le niveau cognitif examine la façon dont le cerveau combine ces schémas de manière contextuelle. Enfin, le niveau conscient considère comment le cerveau se dissocie du monde extérieur et manipule les schémas appris (par le biais de la mémoire) qui ne sont plus accessibles à la perception.

C’est évidemment cette affirmation-là : « Le cerveau se dissocie…et manipule les schémas appris », qui a fait que je me rappelle l’article que j’ai publié le 03/07/2017 : « Comment la ruse quantique peut brouiller cause et effet » (voir dans mon blog) dans lequel je rapportai le résultat d’une expérience réalisée par une équipe de chercheurs à Vienne : Walther’s experiments, qui finalement ont été amenés à conclure : « Au pied de la lettre, ceci semblerait violer l’idée que maintenir une superposition dépend de ne pas essayer de la détecter par la mesure. Mais maintenant les chercheurs réalisent qu’en mécanique quantique, ce n’est pas exactement ce que vous faites qui importe, mais ce que vous savez (sic). » A ma connaissance cet article a été peu cité.

Entre ces deux articles qui ont cinq années d’écart de publication on serait pour le moins tenté de faire un certain rapprochement puisque : « ce que l’on sait » et « les schémas appris » joueraient un rôle significatif pour forger la conclusion d’une observation quantique réalisée par des physiciens.

Ce rapprochement est à mon sens renforcé par l’expression du point de vue du nouveau prix Nobel de physique : Anton Zeilinger : « La distinction entre la réalité et notre connaissance de la réalité, entre réalité et information, ne peut pas être faite. Il n’y a aucun moyen de se référer de la réalité sans utiliser l’information dont nous disposons à son sujet. » ; soit : "The distinction between reality and our knowledge of reality, between reality and information, cannot be made. There is no way to refer to reality without using the information we have about it."

Pour rappel, à l’opposé de ce que nous dit Zeilinger, les Réalistes affirment l’existence effective des entités décrites par les théories scientifiques ainsi que de leurs attributs vis-à-vis des situations d’observation. Comme l’affirmait A. Einstein dans la première phrase de l’article collectif EPR, « Il y a toujours un élément de réalité physique à une grandeur physique mesurée qui lui est attaché. »

Le rappel, et la remise au jour de cette problématique me convainc d’exhumer mon article du 05/08/2017 (voir sur mon blog) : ‘Appel d’offres. (A Request for proposal)’. Dans cet article je propose une expérience avec trois catégories de personnes ce qui, selon mon hypothèse, permettrait de constater ou de ne pas constater, grâce au résultat de l’expérience, le rôle du savoir a priori. Ci-dessous je récapitule ce qui constituait ce projet en 2017.

1 – Une catégorie de personnes ayant une connaissance approfondie des propriétés de la mécanique quantique.

2 – Une catégorie de personnes ayant eu une formation uniquement en physique des ondes.

3 – Une catégorie de personnes n’ayant reçu aucune formation en physique, n’en n’ayant pas ou plus une culture.

L’expérience consiste en premier lieu d’équiper ces trois groupes de moyens d’observation IRM fonctionnelle qui permet de mesurer où, dans le cerveau de ces différentes personnes, l’activité cérébral a justement pris place en observant le signal caractérisé par la dépendance au niveau de l’oxygène du sang. Ces trois groupes sont successivement placés devant un interféromètre de type Young ou de Mach Zehnder comprenant un miroir semi transparent (activé ou non).

Dans la première situation de la réalisation de l’expérience on fait circuler dans l’interféromètre un objet quantique (électron, photon, ou autres) avec connaissance de la trajectoire spatio-temporelle suivie par l’objet. Dans ce cas on peut s’attendre à ce que les trois groupes voient la même chose sur le récepteur et in fine l’aspect de l’objet quantique sera ponctuel à l’évidence pour tout le monde.

Deuxième situation : il n’y a pas la connaissance de la trajectoire spatio-temporelle de l’objet quantique. Dans ce cas le groupe 1, verra ce que les physiciens de la quantique observe ‘naturellement’ : des franges d’interférences, propres à l’aspect ondulatoire de l’objet. A priori on devrait observer la zone cérébrale activée correspondant à celle de l’apprentissage des propriétés de la mécanique quantique. En ce qui concerne le groupe 3, je fais l’hypothèse qu’il n’y aura aucune activité cérébrale spécifique prononcée. Uniquement une activation correspondant à la perplexité. Pour le groupe 2, on pourra peut-être observer une activité cérébrale caractéristique d’une quête sans que pour autant il y ait une similitude de l’image de l’activité cérébrale avec le groupe 1.

A l’époque j’ai pensé cette expérience dans le but de constater que l’espace-temps est un propre de l’homme et en conséquence il n’est pas donné. Cette même déduction pourra être aussi considéré si les résultats obtenus conformes à mes hypothèses sont vérifiés en ce qui les groupes 1, 2 et 3.

Aujourd’hui, étant donné la qualité des moyens techniques dont nous disposons, il me semble que cette expérience n’est pas trop complexe à réaliser, d’autant plus qu’il y a un savoir-faire et savoir interpréter des équipes de neuroscientifiques qui se sont amplement développés.

 

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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 11:38

   Le Réel, un dossier de ‘La Recherche’

Comme je l’ai indiqué dès les premières lignes de mon mémoire : ‘l’Être humain est une réalité de/dans l’Univers’ (voir 1e publication sur mon blog le 03 juin), le produit de mon travail résulte d’une confrontation, d’un tressage, de ma pensée avec celle des autres.

Je cite pour rappel : « Les lecteurs constateront que je cite de nombreux auteurs, tout au cours de ce mémoire, car ma conception ne m’est pas complètement propre, elle n’est pas le fruit de la réflexion d’une personne solitaire. Au contraire, j’étudie, tresse ma pensée avec celle des autres et je ne cesse pas de confronter mes propres hypothèses depuis une vingtaine d’années, à une multitude de propositions, de publications, d’ouvrages, qui me permettent de façonner et d’affiner une conception globale personnelle du monde physique qui se justifie donc au fil d’une interaction entretenue avec des membres de la communauté des physiciens avec lesquels je reconnais des convergences tout autant que des divergences. Cela ne peut pas être autrement.

Une compréhension interactive entre les différentes conceptions ainsi que l’analyse de leurs interprétations sont absolument nécessaires pour entretenir une pensée en mouvement et en progrès. Bref, dans ce contexte, le concept d’intelligence collective, à mes yeux, n’est pas vain. En conséquence un dialogue permanent, qui peut être réel ou imaginaire avec ceux qui proposent, est impératif et peut s’avérer particulièrement fructueux. »

                Il n’y a pas de raison que cela s’arrête après mes publications entre juin et août. Et l’occasion de prolonger le tressage des pensées en physique théorique se présente dès maintenant puisque la revue ‘La Recherche’ consacre un dossier sur le thème : « Réel et Réalités » d’une quarantaine de pages dans son dernier numéro Octobre/Décembre 2022.

            Evidemment, je conseille de lire ce numéro mais je dois reconnaître que l’ensemble de ces articles du dossier constitue un recensement sans la moindre pensée originale. Certes, il est bon de régulièrement vérifier que les idées principales, ainsi que leurs contreverses, véhiculées soient réactivées et si nécessaire remisent en ordre, mais il faut éviter que cela soit exposer dans un ensemble d’articles monotones qui redisent… ‘La Recherche’ doit avoir les ressources de traiter un sujet si essentiel autrement que par un rappel autrement qu’aussi académique.

            Il y eut peut-être la tentative d’animer l’intérêt de ce dossier en insistant sur la dichotomie du ‘réalisme des entités’ versus le ‘réalisme structural’, mais c’est un peu court.

            (Voir article de Quentin Ruyant. Philosophe des sciences). Le réalisme des entités est défendu par Ian Hacking (1936 - ), puisqu’il nie que les lois fondamentales des théories (leur structure, donc) aient une validité absolue. Cependant, les scientifiques interagissent directement avec certains des objets qu’ils postulent. Ils utilisent des appareils pour envoyer des électrons sur des plaques de métal par exemple. Quand ces interactions causales sont suffisamment robustes, on aurait de bonne raison de croire que ces objets existent.

            (Voir article de Youna Tonnerre. Philosophe doctorante) Le réalisme structural affirme que nous pouvons connaître de la réalité que sa structure mathématique, puisque les sciences ne dévoilent pas les objets qui peuplent le monde ou leurs propriétés, seulement les relations[1] qu’ils entretiennent.

A l’exemple de la théorie de la gravitation universelle de Newton à laquelle a succédé la théorie de la relativité générale. La théorie de Newton a montré ses limites mais à juste raison les réalistes structuraux ont constaté qu’elle était une bonne approximation mathématique de la théorie d’Einstein puisque la Relativité Générale englobe la loi de Newton et retrouve la formulation de celle-ci lors du passage dans un contexte non relativiste. Ce fut à l’occasion du calcul exact de la précession du périhélie de Mercure par Einstein en 1915 que les sceptiques à ses équations commencèrent à s’intéresser à ses travaux. Ce qui était sûr, c’était que la loi de la Relativité Générale prenait la relève, là où la loi de la gravitation de Newton devenait défaillante. Ce serait donc le signe que ces théories successives stipulent une structure mathématique commune. Cette structure est celle que la réalité possède (sic). Au jour d’aujourd’hui, la Relativité Générale n’a pas encore était mise en défaut aux grandes échelles spatio-temporelle, ni quand des objets naturels émettent des champs gravitationnels très intenses.

            Pour les réalistes structuraux, c’est parce que cette structure correspond à la structure de la réalité que nos théories scientifiques sont couronnées de succès. Elles peuvent se tromper sur la nature des entités mais elles ne se trompent pas sur les relations mathématiques que les entités possèdent. Le réalisme structural n’implique donc pas que le monde lui-même est un objet mathématique, mais seulement qu’il possède certaines propriétés que l’on peut décrire grâce aux mathématiques. Et que ce sont ces propriétés que l’on est en mesure de connaître (Voir Kant : les conditions de possibilités de la connaissance scientifique).

 

[1] Voir Carlo Rovelli dans Helgoland, page 13 : « Si l’étrangeté de la théorie des quanta nous confond, elle ouvre aussi de nouvelles perspectives pour comprendre la réalité. La réalité plus subtile que celle du matérialisme simpliste des particules dans l’espace. Une réalité faite de relations, avant que d’objets.

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1 septembre 2022 4 01 /09 /septembre /2022 10:38

Nous devons retenir que dans le cerveau, la fonction suit la forme.

Avec l’édition de la 2e partie du chapitre 3 du 29/07/2022 : ‘Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli’, j’ai eu la possibilité d’évoquer une forte conviction étant donné que depuis quelques décennies les neuroscientifiques progressent à grand pas en ce qui concerne la compréhension du fonctionnement du cerveau ainsi que de ses dysfonctionnements. Cette conviction m’a amené à exprimer le souhait qu’une étroite coopération s’engage entre les physiciens et les neuroscientifiques car nous devrions explicitement prendre en compte le fait que la physique est la science de l’interface entre l’être humain et la nature.

Cette coopération entre physiciens et neuroscientifiques j’ai été convaincu qu’il fallait l’évoquer concrètement lorsque j’ai découvert l’article du 11 Mai 2022 rapporté par Ingrid Fadelli : « Exploitation des méthodes du groupe de renormalisation pour étudier comment le cerveau traite l’information ». Les auteurs de l’article proposent et annoncent une perspective suivante : « À l’avenir, la théorie introduite pourrait être utilisée pour examiner diverses autres dynamiques cérébrales et processus neuronaux, allant au-delà de la criticité. En outre, cela pourrait finalement ouvrir la voie à l’introduction d’autres constructions théoriques (sic) fusionnant la physique et les neurosciences. » J’ai la conviction que grâce aux avancées actuelles et à venir, que permettent les travaux des chercheurs en neurosciences, les physiciens bénéficieront d’une compréhension plus élaborée concernant notre relation cognitive avec la nature telle qu’elle est engendrée, ils bénéficieront aussi d’une compréhension des motivations et des dynamiques misent en œuvre.

A cette perspective de souhait de coopération, j’estime avoir rencontré une confirmation supplémentaire en découvrant l’article du 5/7/2022 dans physics.aps : « In the Brain, Function Follows Form » ; soit : « Dans le cerveau, la fonction suit la forme. », qui rend compte et analyse les travaux réalisés à la Yale Université.

En résumé introductif, il est précisé : « En interprétant les images de résonance magnétique dans le contexte de la théorie de contrôle, les chercheurs cherchent à expliquer les dynamiques du cerveau en termes de sa structure, du contenu d’information, et des énergies. »

Il est rappelé que cette perspective est actuelle parce que les progrès technologiques favorisent des observations, de plus en plus amples et interprétables scientifiquement, de l’activité du cerveau en temps réel. Entre autres l’imagerie à résonance magnétique (IRM) et ses variants : (Diffusion tensor imaging (DTI)), permettent de concevoir une carte du câblage physique du cerveau. De plus l’IRM fonctionnelle (fMRI), permet de mesurer où, dans le cerveau, l’activité a justement pris place en observant le signal caractérisé par la dépendance au niveau d’oxygène du sang (BOLD : blood-oxygen-level-dependant.) Finalement l’article offre irrésistiblement de nouvelles stratégies, dérivés de la physique (sic), pour interpréter la structure du cerveau et son fonctionnement.

Les mesures de la structure et de l’activité du cerveau permettent aux scientifiques l’analyse de deux propriétés basiques du cerveau. En premier lieu, pour fonctionner correctement le cerveau doit vraisemblablement s’observer : des parties du cerveau doivent être capables d’estimer l’état d’autres parties du cerveau afin de reconstruire ce qui se passe à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du cerveau (sic). Exemples : le cerveau a aussi besoin de contrôler des parties de lui-même pour lire un article, aussi bien pour produire un discours que pour développer des fonctions motrices etc…

Les chercheurs-auteurs de l’article ont concentré leurs observations sur les changements d’états des différentes parties du cerveau spécifiquement sollicitées ainsi que l’évaluation de transferts d’énergie qui leurs correspondent. Ils rapportent des découvertes significatives : (1) le contenu de l’information dépend du contexte cognitif (comparées aux tâches motrices, les tâches sociales sont très stimulantes) ; (2) l’énergie requise pour la transition vers des états de haute information est plus grande que celle requise pour la transition entre des états de faible information ; et (3) les transitions d’état montrent que le câblage du cerveau est optimisé pour que le système dynamique soit rendu efficace.

« Ainsi les auteurs ont-ils caractérisé le processus de la réflexion et ils rappellent qu’il faut garder à l’esprit quelques-unes des limites de leur étude. Une telle limite concerne la mécanique détaillée derrière la balance énergétique du cerveau. Le cerveau est un système ouvert consommant à peu près 20% de l’énergie métabolique de notre organisme au repos. La plupart de cette énergie est dédiée au rétablissement du gradient ionique à travers des cellules nerveuses ainsi qu’au reconditionnement des transmetteurs neuronaux après activité. Durant l’activité, cette énergie est consommée presque instantanément (en milliseconde) ; le cerveau recharge alors le stock d’énergie plus lentement (en secondes). La marque clé de la fonction cognitive est la synchronisation qui est typiquement mesurée électriquement. »

Au cours de la lecture de l’article on rencontre la thèse solide que le cerveau humain est préalablement doté d’une structure. De fait, une certaine composition structurée valait déjà avant l’émergence du genre Homo. Je fais l’hypothèse que c’est avec l’apparition du genre Homo que la structure idoine du cerveau aux premiers balbutiements de la réflexion a émergé. Dans plusieurs de mes articles j’ai situé ces émergences concomitantes avec l’apparition d’Homo Erectus auquel il est généralement attribué un cerveau, de l’ordre 800 à 900 gr, constitué de matière active organisée. Cela peut être avant mais cela n’a pas d’inconvénient pour mon propos parce que c’est l’affaire d’une évolution probablement essentiellement continue et en conséquence il n’y a pas obligatoirement un avant définissable temporellement qui justifierait que l’on puisse s’appuyer sur un ‘depuis’ qui serait objectif. Ceci étant dit, il est possible d’affirmer qu’à son origine la structure du cerveau humain a été naturellement façonnée. Cela m’autorise à considérer que mon hypothèse précisant qu’au sein de l’Être humain gît une composante : Être de la nature, se trouve justifiée. Cela n’est pas une hypothèse mineure pour le physicien qui tente de décrypter les lois de la nature avec cette contribution déterminante du cerveau néanmoins façonné originairement par cette même nature. Depuis, du chemin a été parcouru et il est légitime de considérer que l’Être humain avec la contribution de l’autre composante : l’Être dans la nature, a réduit l’influence de la composante qui ferait écran à la conquête de connaissances sur la nature. On peut aussi postuler que la structure du cerveau a évolué sous l’influence de l’évolution culturelle, psychologique, intellectuelle, et considérer qu’Homo Sapiens et présentement l’homme moderne sont dotés de cerveaux dont la dépendance à une structure originairement et pesamment naturelle a été réduite. Etant donné qu’en moyenne le cerveau de l’être humain actuel pèse 1400 gr, on doit pouvoir considérer que l’augmentation du poids et de la dimension du cerveau est due à la dynamique de l’évolution cognitive historique du genre Homo. Cette croissance a été certainement activée grâce à l’impulsion des besoins cognitifs irrépressibles du genre Homo et donc elle a été modelée par et pour satisfaire à ces besoins spécifiques. Il en est ainsi du néocortex, partie la plus récente du développement du cerveau qui ne peut pas être considéré comme étant le produit d’une naturalité brut. Ceci explique la raison pour laquelle il est approprié de nommer la matière constitutive du cerveau : matière active organisée.

Le néocortex est la partie du cortex cérébral la plus récente (voir Wikipédia). Son nom est donné aux zones les plus évoluées du cortex, correspondant au cerveau rationnel. Il est nommé pour être la couche évolutive la plus moderne du cerveau. Néanmoins sa forme active a été architecturée par la forme naturelle primitive ce qui constitue une sacrée détermination car « la fonction suit la forme ».

Les auteurs de cette recherche mettent aussi en évidence que l’activité cérébrale requière des intervalles de temps pour recharger un stock d’énergie : quelques secondes. Par contre, il peut consommer de l’énergie en quelques millisecondes. Bref, les changements d’états du cerveau ne sont pas instantanés. On peut concevoir qu’en parallèle des parties du cerveau observent d’autres parties du cerveau afin de reconstruire ce qui se passe à la fois à l’intérieur et à l’extérieur mais là encore les observations ne peuvent être instantanées. Il y a en permanence de l’intermittence en jeu au cours de l’activité cérébrale. En plus on n’oublie pas ce premier tiers de seconde pour une prise de conscience, mis en évidence depuis quelques décennies.

En conséquence, comme il est observé, le temps relatif au processus cérébral qui contribue à l’éclosion de la pensée et à son essor ne peut être que fragmenté par des intervalles de ruptures correspondant à des changements d’états de la matière active, constituante de notre cerveau, qui doit se réorganiser. Est-ce que finalement la pensée élaborée par l’être humain est radicalement soumise à cette contrainte du processus cérébral, au point qu’il ne puisse échapper au point aveugle de l’intelligibilité des connaissances fondamentales qu’il aurait constituées ? Point aveugle de l’intelligence humaine que j’évalue, selon mon hypothèse, à 10-26-28s environ.

Dans la publication partielle, du chapitre 3, du 29/07 j’ai exprimé le vœu suivant : « Il me semble que pour prendre le problème à bras le corps, il faut réunir un comité scientifique ad-hoc, avec les moyens appropriés, ayant la vocation de catalyser au niveau international des lignes directrices, proposées dans un manifeste, qui engendreront des axes de recherches et d’enseignements pluridisciplinaires. » Le sujet de l’évaluation, tout au moins, de la validité de mon hypothèse, pourrait constituer un de ces axes de recherche fédérateur. C-à-d, autant que faire se peut, suivre le chemin de la formation d’une pensée et évaluer si in fine, à cause de la succession et de l’addition, des contraintes du processus cérébral recensées, il y aurait une durée résiduelle imparable dont l’arsenal intellectuel d’Anthrôpos serait radicalement tributaire.

Dans la dernière partie de l’édition de mon mémoire du 12/08, les dernières lignes sont écrites pour signifier : ce n’est pas fini ! Voici la preuve car cela continu.

P.S. A propos de la matière active organisée, je suggère de consulter la page scientifique du monde datée d’hier, le 31 Août 2022. C’est une découverte qui chamboule la physique !!

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12 août 2022 5 12 /08 /août /2022 11:52

Le 12 Août

Ci-jointe, 2e partie de l’édition du chapitre 4 et point final du mémoire.

Dans le multivers théorique, nouvellement pensé, dont notre univers ferait partie, au stade actuel de la capacité de projection de notre pensée, nous considérons que les autres univers sont indépendants les uns des autres et sont extérieurs au Nôtre. Nous sommes à un carrefour de conjectures, Anthrôpos ne peut cesser de creuser car nous disposons d’aucune référence tangible qui nous permettrait d’affirmer que notre univers est limité dans l’espace, c’est-à-dire qu’il n’y aurait aucun au-delà spatial, si on était en mesure de détecter ses limites. Pas plus qu’on ne peut affirmer qu’aucune galaxie existe au-delà de la limite tracée par l’horizon cosmologique. Horizon humainement défini par le fait que rien ne peut se déplacer dans l’espace plus vite qu’à la vitesse de la lumière. Ceci impliquant qu’à tout moment la vitesse de la lumière impose une limite au-delà de laquelle nous ne pouvons rien observer. Avec l’hypothèse du multivers, peut-être que nous entrevoyons les prémisses d’une diversité, tout juste pensable, de mondes physiques non encore prospectés qui se trouveraient au bout du compte dans notre univers. Ce que nous conjecturons comme étant possible dans les autres univers du multivers est peut-être tout simplement ce qui l’est dans notre univers une fois que l’extériorité présumée, de ces autres, s’estompera. Considéré autrement, il suffirait que nous nous appropriions d’au moins une première loi ou caractéristique physique que nous serions en mesure d’attribuer à un autre univers éventuel du multivers pour que celui-ci soit de facto intégré au nôtre : satisfaisant actuellement à notre faculté d’entendement. Simultanément cela validerait l’hypothèse du multivers. Plus concrètement cela validerait l’hypothèse du multivers comme étape transitoire, comme une sorte de ‘sas’ permettant que notre pensée ait le temps d’intérioriser cette radicale nouveauté. Cette période d’incubation dans laquelle l’être humain cogitant est engagé permet de faire émerger de nouvelles perspectives pour ‘l’Être dans la Nature’ qui ainsi s’émancipe de la conception d’une nature qui s’avère monotone, dotée de limites absolues, parce qu’inerte.

         J’ai eu l’occasion de lire dans le ‘Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences’ dans un article de D. Lecourt page 762 : « Que nous butions sur des limites absolues, comme la vitesse de la lumière, devrait rappeler les physiciens à la modestie. Ils n’occuperont jamais la place que les fidèles ont attribuée à Dieu… » Cette affirmation de D. Lecourt a été couchée sur le papier il y a au moins 20 ans. A cette époque il prend la responsabilité d’avertir les physiciens qu’il détient la connaissance de l’existence d’un Rubicon absolu, qui a la valeur d’un mur définitif sur lequel, éternellement, se cognera l’intelligence humaine. La rencontre de la valeur de la vitesse de la lumière, C : constante universelle, a été confirmée en 1887 avec l’expérience de mesure de Michelson et de Morley, mais déjà, préalablement pensée et fixée théoriquement par James Clerk Maxwell en 1865. Il fallut attendre 1905 pour qu’il soit établi, grâce à la théorie de la relativité restreinte élaborée par Albert Einstein, un nouveau corpus de connaissance en physique, adapté, qui intègre la valeur parfaitement constante et universelle de la vitesse de la lumière. On peut dire qu’à cette occasion l’être dans la nature s’est installé, voire perché, sur un nouveau belvédère, d’où en surplomb, il accroît sa connaissance de la nature et d’où l’influence de l’inertie du cogito de l’être de la nature est amoindrie. D’un point de vue physique, avec le trait d’union qui s’établit naturellement entre l’espace et le temps pour dorénavant penser en termes d’espace-temps, c’est une détermination brute imposée par l’être de la nature qui est réduite à néant. L’être dans la nature déshabille l’être de la nature des déterminations qui nous voilent l’accès à la connaissance de la nature. Le dévoilement de la nature est sans fin, mythologiquement représenté par l’image de la Déesse Isis, déesse voilée, et fait d'Isis le symbole des lois cachées de la Nature depuis le déchiffrement des hiéroglyphes et la mise en place de la science. Certes intégrer la vitesse de la lumière n’implique pas la dépasser, loin s’en faut en ce qui concerne C.

         Avec la relativité restreinte nous nous sommes en partie appropriés de la vitesse de la lumière et Anthrôpos continue de creuser mais le Rubicon n’est pas franchi. De fait nous n’avons aucune prise sur la vitesse de la lumière, celle-ci transcende notre condition physique d’être de la nature. Pour nous, aucun objet matériel ne peut atteindre la vitesse de la lumière. Pouvons-nous craquer cette détermination ? Elle est une détermination universelle dans le sens où elle est une propriété qui est relative à notre univers tel que nous le concevons présentement. Craquer cette détermination sera probablement concomitant avec la compréhension que nous sommes dans un univers autre, beaucoup plus riche, que celui que nous concevons dans le cadre du modèle standard. Ce dont nous sommes certains c’est que la lumière à laquelle nous sommes sensibles est la lumière émise par la matière qui nous constitue dans la structure la plus fine et la plus élémentaire de notre Être de la nature jusqu’aux confins des structures matérielles qui assurent le fonctionnement de notre cerveau : dénommée matière active organisée. Cela constitue une détermination redoutable pour l’être humain mais cela n’a rien à voir avec un interdit émanant du royaume de Dieu comme nous l’a signalé D. Lecourt (Epistémologue, 1944-2022). Il est certain que nous ne pouvons pas voir une autre lumière que celle qui est émise par la matière qui nous constitue. Mais ne pas voir, n’interdit pas de concevoir[1].

         Référons-nous à l’exemple suivant qui concerne l’impossibilité de voir par détection directe une trace du boson de Higgs. Cette particule fondamentale a une durée de vie tellement faible (d’un ordre inférieur à 10-20s), de plus elle est de charge électrique neutre, en conséquence nous ne pouvons pas observer dans les détecteurs sa propre trace. Par contre nous pouvons le concevoir grâce à l’exploitation des traces observables des produits de sa désintégration. Ce fut long et difficile avec les premiers événements (2012), mais avec le temps, avec le savoir-faire acquis par les physiciens on peut le reconstruire plus aisément et concevoir le Boson de Higgs devient de plus en plus aisé, assuré et familier. L’œil de l’intelligence des physiciens s’est affiné, a gagné en acuité de détection, et maintenant nous le reconnaissons bien plus aisément avec certaines des valeurs qui le caractérisent.

         Dans l’univers actuel, correspondant au nec plus ultra de nos connaissances, nous identifions une composition de 5% de matière visible. Pour le reste la répartition est établie comme suit : 27% de matière noire et 68 % d’énergie sombre. Ces composants sont donc invisibles, donc toujours hypothétiques, conçus sur la base de leurs effets indirects controversés, en tous les cas nous ne pouvons toujours pas les placer sous le sceau de la lumière de notre pensée.

L’énigme de la matière noire occupe les esprits des scientifiques depuis une quarantaine d’années. Cela nous indique que la pensée des scientifiques est mal placée depuis toutes ces années[2], et cela devrait interpeler et conduire à la rupture d’une pensée qui se serait ankylosée sur ce sujet[3]. Les articles, cités en note 2 et 3 de bas de page, que j’ai saisis au vol peu de temps avant l’écriture de la fin de mon chapitre, pourraient correspondre à un renversement de situation spectaculaire car la théorie MOND (Modified Newtonian dynamics) a toujours été décriée. Son inventeur Mordehai Milgrom pourrait nous en dire long sur le fait d’être le porteur d’une théorie qui est hors cadre d’une pensée officielle. Eh oui, cela peut se produire dans ce domaine, censé réunir des penseurs férus de controverses ! Pensée officielle parce que l’hypothèse de la matière noire est fortement corrélée à l’hypothèse du Big Bang et au scénario induit du déploiement de l’univers primordial. Premièrement et avant tout, il faut considérer que cela représente une affaire scientifique, du premier ordre, à suivre au plus près durant les mois qui viennent.

L’énigme de l’énergie sombre occupe les esprits des scientifiques depuis une vingtaine d’années, c’est deux fois moins d’années que pour la matière noire mais la proportion de cette composante serait dans notre univers deux fois et demie plus importante. Ces deux composantes sont ou noire ou sombre : invisibles. C’est peut-être des composantes qui émettent des rayonnements pour lesquels nous n’avons pas de capteurs naturels identifiés au sein de notre être présumé, pas dans le domaine visible, pas dans le domaine audible, pas dans le domaine d’une sensibilité sensorielle inédite.

         Nous ne pouvons pas non plus ne pas tenir compte du fait que nous sommes confrontés à une énigme aussi redoutable qui est installée dans le paysage de la physique fondamentale depuis les années… 1930 et qui est celle de l’intrication. Enigme qui est inextricable parce que, entre autres, nous considérons toujours qu’il n’est pas possible qu’une information puisse être véhiculée à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière. A cause de cette contrainte, l’interprétation de ce phénomène privilégie l’explication du caractère non local (impossibilité de définir le ‘là’) de la mécanique quantique. Non local parce que lorsque l’on mesure la grandeur propre portée par l’un des objets quantiques intriqué, instantanément l’autre objet, qu’elle que soit la distance à laquelle il se trouve, alors qu’il n’y a pas eu du temps nécessaire à un échange d’information, aussi loin qu’il se trouve, annonce une valeur propre en accord avec la valeur de la grandeur résultante de l’intrication initialement engendrée. On pourrait tout aussi bien privilégier l’interprétation de l’intrication par le fait qu’expérimentalement l’intrication engendrée rend, effectivement, les deux objets totalement indifférenciables. En conséquence le résultat de la mesure obtenu ne peut pas être attribué par l’observateur à un objet plutôt qu’à l’autre. L’indifférenciabilité entre l’un et l’autre objet quantique, correspond au fait qu’il n’y a pas pour l’observateur la possibilité d’attribuer une trajectoire spatio-temporelle spécifique à l’un plutôt qu’à l’autre. En résumé, on ne peut connaitre leurs ‘là’ respectifs qu’au moment de la mesure de la grandeur physique intriquée, sans pouvoir distinguer qui est l’un, qui est l’autre.

         Il existe, exclusivement, une situation purement théorique dans laquelle la contrainte de l’impossibilité de dépasser de la vitesse de la lumière peut être violée : c’est le cas de l’hypothèse de l’existence des trous de vers. Comme cette expression l’indique, l’hypothèse suppose, qu’à travers ces trous, deux régions de l’espace pourraient être connectées (ou presque) instantanément, qu’elle que soit la distance qui les séparent. Cette hypothèse est apparue sous la plume des théoriciens sans contorsion spéciale, elle est mathématiquement émergente, mais, bien entendu, aucune observation dans ce sens n’a été validée. Donc elle reste cantonnée au domaine de la fiction. Mais elle trotte dans l’esprit des physiciens théoriciens. Ainsi J. Maldacena et L. Susskind ont conjecturé depuis 2013 : que des particules intriquées soient connectées au travers d'un trou de ver (ou pont Einstein-Rosen), (voir définition ER=EPR dans Wikipédia). De plus, cette conjecture pourrait être une base pour l'unification de la relativité générale et de la mécanique quantique !! 

         Une autre raison pour laquelle nous sommes confrontés à des entités noires pourrait s’expliquer par le fait que ces entités considérées globalement ou bien considérées sur la base de leurs constituants élémentaires éventuels ont une vitesse de déplacement qui serait supérieure à la vitesse de la lumière. Dans ce cas de figure, la fameuse formule E = mc2, ne serait plus valide dans un certain domaine, elle serait dépassée, soit parce que la contrainte posée avec C est inappropriée, soit parce que la masse : m, ne correspondrait en rien de ce que nous caractérisons jusqu’à présent comme étant de la matière. Ces deux éventualités peuvent être parfaitement conjointes.

         L’hypothèse de la non validité de E = mc2, je la considère sérieusement depuis plus d’une quinzaine d’années et plus particulièrement, en ce qui concerne les neutrinos car nous sommes toujours dans l’impossibilité de cerner sérieusement le comportement physique de ces particules élémentaires. Au tout début de la découverte (invention) de ces objets quantiques, sur proposition en 1930 de Wolfang Pauli (1900-1958), nous les avons considérés comme des objets sans masse, le premier : le neutrino électronique en 1930, le deuxième : le neutrino muonique en 1962, le troisième : le neutrino tauique en 1977. Ensuite, puisque nous avons considéré qu’il y avait en jeu, depuis 1969, un processus d’oscillation entre eux : ce que l’on désigne par l’oscillation des saveurs, on a considéré qu’ils devaient avoir une masse. A ce titre, sans autre forme de procès, on les a dotés d’une masse répondant à la contrainte de E = mic2. Depuis nous sommes dans l’impossibilité d’évaluer leurs masses. Toutes les mesures réalisées pour connaitre leurs masses d’inerties respectives, nous indiquent en retour : « Nous ne sommes pas ce que vous croyez ». En effet, en retour, elles nous apparaissent toujours inférieures à celles que nous avions estimées antérieurement, sans pour autant pouvoir les fixer. De ce point de vue, ces objets semblent presque insaisissables par les détecteurs que nous sommes capables de concevoir actuellement. Pour cette raison, je propose que l’on étudie ces objets en tant que vecteur d’une nouvelle physique : la physique des neutrinos, plutôt que de vouloir étudier leurs propriétés physiques, comme c’est toujours le cas actuellement, dans le cadre du modèle standard des particules élémentaires. Je propose que l’on abandonne l’idée que les neutrinos satisfassent assurément la contrainte : E = mic2.

La problématique du choix des bonnes variables en physique est posée dans un article du 27/07/2022 par des chercheurs de la Columbia Engineering, dont je cite quelques extraits : « Je me suis toujours demandé, au cas où nous rencontrions des extraterrestres intelligents, auraient-ils découvert les mêmes lois de la physique que nous, ou pourraient-ils décrire l’univers d’une manière différente ? » ; « Peut-être que certains phénomènes semblent énigmatiques et complexes parce que nous essayons de les comprendre en utilisant un mauvais ensemble de variables… Alors oui, il y a des voies alternatives pour décrire l’univers et il est tout à fait possible que nos choix ne soient pas parfaits. » Un des physiciens, Lipson, soutient que « les scientifiques peuvent mal interpréter ou échouer à comprendre beaucoup de phénomènes parce que, tout simplement, ils n’ont pas la bonne base de variables pour décrire ces phénomènes. » Et c’est exactement ma conviction en ce qui concerne notre incapacité toujours actuelle à cerner la physique des neutrinos.

Les variables décrivant la température et la pression ont besoin d’être identifiées avant que les lois de la thermodynamique puissent être formalisées, et ainsi en est-il dans chaque coin du monde scientifique. Les variables sont un précurseur de toute théorie. « Quelles autres lois nous manquent-elles simplement parce que nous n’avons pas les variables ? » se demande Du : collègue de Lipson, qui a codirigé le travail. « Pendant des millénaires, les gens connaissaient les objets se déplaçant rapidement ou lentement, mais ce ne fut que lorsque les notions de vitesse et d’accélération furent formellement quantifiées que Newton pouvait découvrir sa célèbre loi de mouvement F=MA »

Sur ce sujet, l’article résumé dans Phys.org du 27/07 avait pour titre : « Roboticists discover alternative physics ». Selon mon point de vue, cette physique entrevue n’est pas qu’alternative puisqu’elle fait partie de tous les possibles non encore élucidés que j’identifie dans mon énoncé rituel : « Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles… ». Les variables, autres, qui nous permettront de comprendre d’autres phénomènes ainsi que d’enrichir, sans fin, notre connaissance de l’univers seront débusquées au fur et à mesure que l’être dans la nature, perché de nouveaux belvédères, réduira l’influence de l’être de la nature.

Comme indiqué ci-dessous avec la citation de S. Hossenfelder, nous devons accroître notre tolérance voire notre ouverture à la nouveauté dans de nombreux domaines d’études de la nature, ainsi que vaincre l’inertie intellectuelle de l’Être de la nature qui nous habite.

         De S. Hossenfelder, p146 : « … Ce que nous considérons comme prévisible et en même temps surprenant dans les sciences dépend de notre familiarité avec le domaine. Au fil de nos travaux, nous augmentons notre tolérance à la nouveauté. Effectivement, plus j’en apprends sur le multivers, plus je le trouve intéressant. Je peux voir que c’est un changement étonnamment simple, et pourtant d’une grande portée, dans la façon que nous avons de comprendre notre propre importance (ou son absence) dans le monde. Peut-être Tegmark[4] a-t-il raison, peut-être suis-je simplement affligée d’un biais émotionnel vis-à-vis de ce qui n’est qu’une conclusion logique. Le multivers est vraiment une émancipation des mathématiques, qui favorise l’apparition d’une vie riche et complexe. » ; « Un point de vue d’autant plus convaincant quand un Prix Nobel, (ici Steven Weinberg), l’appui de tout son poids. »

Je cite S. Hossenfelder puisqu’elle écrit dans son livre quelque chose que je partage et dont je suis convaincu. C’est réconfortant de rencontrer ce point de vue en partage étant donné le caractère iconoclaste de ce que je propose ci-dessous.

         Dans les univers parallèles pensés grâce à l’hypothèse du multivers ou encore ceux qui sont sous la plume des physiciens théoriciens adeptes de la théorie des cordes, la vitesse de la lumière peut avoir toutes les valeurs possibles. De fait, leurs propriétés physiques peuvent être toutes autres que celles que nous avons identifiées, jusqu’à présent, dans notre univers. Dans le cadre des énigmes répertoriées ci-dessus peut-être sommes-nous confrontés à l’existence dans notre propre univers à des valeurs qui sont attribuées à ces fameux univers parallèles. Peut-être ce n’est-il qu’une affaire ‘du temps de se familiariser’ de ces nouvelles valeurs possibles, mais au fil de notre réflexion et de nos travaux peut-être que notre tolérance s’accroîtra et ces valeurs nouvelles deviendront nécessaires et seront marquées du sceau de l’évidence. Univers qui au bout du compte ne sont pas si parallèles et à minima entrecroiseraient notre propre univers. Dans ce cas notre propre univers serait différent, avec des propriétés bien plus riches. Cela signifierait que notre univers contiendrait des propriétés exogènes, que nous considérons actuellement comme telles, vis-à-vis desquelles nous sommes encore aveugles, puisque nous sommes, de facto, émergents et façonnés par la nature spécifique de celui que nous désignons comme étant notre univers. Soit, notre évolution n’est pas encore suffisante pour que nous soyons en capacité, d’une façon ou d’une autre, à mettre en lumière ce qui constitue(nt) le/les fondement(s) des énigmes en question. Dans le cas où ces autres univers deviendraient observables ou mesurables, voire visitables grâce à de nouveaux instruments d’observations, alors ils feront partie de notre univers enrichi… par adjonction ou interpénétration.

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         A ce stade, l’édition du chapitre 4 est terminée ainsi que l’édition de mon mémoire composé de 4 chapitres. Cette édition a commencé le 3/06, avec une publication nouvelle chaque vendredi. Mon mémoire représente une bonne synthèse des 235 articles publiés sur mon blog, mc2est-cesuffisant (sic), durant un peu plus de la décennie. Et ce n’est pas fini, c’est infini, il en est ainsi de la dynamique du savoir en physique qui provoque et accompagne le progressif investissement intellectuel éclairant des confins encore et toujours plus ‘au-delà’ de notre univers.

 

[1] Le mot a été introduit pour « former un enfant en soi » et simultanément avec le sens intellectuel de « se représenter par la pensée » vers 1119.

[2] D’après un article du 22/07/2022 dans Futura Science : Si la récente découverte de galaxies primitives avec le télescope James-Webb se confirmait, elle pourrait s'ajouter significativement au débat entre ceux qui pensent que la matière noire existe et ceux qui pensent qu'il faut au contraire modifier les lois de la gravité et de la mécanique pour décrire l'origine et le comportement des galaxies. Ce qui est sûr, c'est que la découverte de ces galaxies a été prédite à partir de la théorie Mond (proposée depuis les années 1980), théorie alternative à la matière noire et décriée. Reste encore à être confirmée pleinement mais si les astrophysiciens n'ont pas fait d'erreurs, nous serions en présence sur les images du JWST de deux galaxies contenant déjà l'équivalent d'environ un milliard de masses solaires sous forme d'étoiles telles qu'elles étaient entre 300 et 400 millions d'années après le Big Bang. Stacy McGaugh explique en détail que des galaxies aussi massives observées aussi tôt dans l'histoire du cosmos observable ne sont pas vraiment compatibles avec le Modèle cosmologique standard avec matière noire (sic, re-sic).

 

[3] Article dans Futura Sciences le 10/08/2022, avec le titre : « Ces galaxies jettent le doute sur le modèle cosmologique standard. » Je cite quelques extraits : « Au sein du deuxième amas de galaxies le plus proche de la Terre connu sous le nom d'amas du Fourneau, des galaxies naines apparaissent particulièrement déformées par les effets de marée. Selon des chercheurs, elles remettraient en question le modèle standard de la cosmologie. Selon Pavel Kroupa, co-auteur de l'étude et chercheur à l'université de Bonn, « Le nombre de publications montrant des incompatibilités entre les observations et le paradigme de la matière noire ne cesse d'augmenter chaque année. Il est temps de commencer à investir davantage de ressources dans des théories plus prometteuses ». Par la suite, l'équipe compte se pencher sur d'autres galaxies naines ou amas de galaxies. »

 

[4] Physicien, cosmologiste, chercheur en IA, professeur au MIT. Age : 55ans

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4 août 2022 4 04 /08 /août /2022 16:33

Le 5 Août

Ci-jointe, l'édition du chapitre 4 correspondant à sa première partie. La suivante sera publiée le 12 Août.

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Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, …

         L’énoncé directeur et rituel qui rend compte au plus près de la conviction profonde qui m’habite pour aller de l’avant dans la conquête de connaissances, je la formule ainsi : « Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, Anthrôpos ne cesse de creuser sa connaissance de l’Univers… » Ce sont tous les possibles en perspective qui ne cessent d’attiser ma curiosité. En ce qui concerne notre connaissance actuelle de notre univers, celle-ci n’est ni négligeable, ni finale, loin de là. A ce propos ce qui ne cesse pas de m’animer c’est de suivre et comprendre les différents cheminements de la pensée, reconnus au sein de la communauté scientifique, qui à tâtons aboutissent à un carrefour où se présentent plusieurs voies possibles du développement de la connaissance. Quelle sera celle qui en particulier conduira à la consolidation d’un savoir déjà acquis et suscitera la projection de ponts nouveaux vers des nouveaux questionnements inédits ? Nous sommes probablement à l’aube d’une situation de cette nature.

         L’histoire la plus contemporaine et standard de l’avènement de notre univers fait intervenir un temps zéro, ‘top départ’, d’un formidable Big Bang à l’origine de l’engendrement de notre univers qui se déploie depuis 13 milliards 800 millions d’années. Ce formidable Big Bang ce serait produit à partir d’un état primordial de vide absolu qui ne peut être situé dans l’espace ; d’un point de vue cosmologique il est par principe insituable puisque tous les lieux de l’espace se valent. Ce scénario a pris corps dans les années 1970, grâce à l’obtention en 1964, du fait d’un grand hasard, d’une première image de l’univers en expansion, située 380 000 ans après le Big Bang. Cette image a pu être décryptée comme telle parce qu’un scénario plus ou moins semblable avait été globalement, préalablement, théoriquement pensé durant les années 1950 par des physiciens qui avaient pour leader Georges Gamow (1904-1968).

Rapidement, le scénario du Big Bang a été étayé grâce à un grand nombre d’observations scientifiques et conforté par des justifications théoriques fournies essentiellement grâce aux équations de la Relativité Générale. Pour concevoir un modèle standard de la cosmologie, sans discontinuité historique du déploiement de notre univers à partir du temps zéro, les physiciens ont été amenés à concevoir des hypothèses qui, en l’état de nos connaissances actuelles, sont encore légitimes pour assurer une continuité temporelle qui soit cohérente. C’est la période primordiale : du temps zéro[1] jusqu’à de l’ordre du premier milliard d’années après le Big-Bang, qui fait l’objet de ces extrapolations théoriques qui prennent appuis sur des considérations puisées, entre autres, au sein du corpus de la mécanique quantique et de la physique nucléaire.

Aujourd’hui, la conviction scientifique dominante est de considérer que nous avons effacé le risque de concevoir une cosmogonie de plus, conception inhérente à l’histoire du développement de la curiosité humaine pour ce qui est des ‘Cieux’. La cosmologie est dorénavant considérée comme une science à part entière et le flux d’échanges d’informations et d’hypothèses est très intense au sein de la communauté des cosmologues et des astrophysiciens. La quantité d’instruments d’observations et de mesures sur notre planète et dans l’espace nous indique la mesure de l’engouement de l’humanité pour savoir et encore découvrir de ce que notre Univers serait constitué et mieux appréhender ses dimensions spatiale et temporelle.

Le dernier télescope spatial expédié dans le ciel le 25 décembre 2021, le ‘James Webb Space telescope’ (JWST), représentant un investissement de l’ordre de 10 milliards de dollars, donne une appréciation du désir, et de la nécessité existentielle, de toujours savoir de la part de l’être humain, ce qu’il y a dans l’au-delà de l’espace-temps déjà saisi par l’observation et/ou intellectuellement investi sur un plan purement théorique. J’éprouve souvent l’envie d’établir un lien entre ce désir de savoir et ce que nous pouvons observer chez un bébé commençant à se déplacer en rampant sur le ventre ou à quatre pattes qui a l’énergie de la curiosité d’aller prospecter cet endroit qu’il n’a pas encore eu l’occasion d’aller voir par lui-même et l’enthousiasme exprimé par les astrophysiciens quand il y a la découverte d’un au-delà dans une partie de l’espace-temps de l’univers jamais encore observée, ce qui souvent provoque une jubilation générale.

         Depuis les années 1980, jusqu’à nos jours, les physiciens, les astrophysiciens, les cosmologues, les astronomes, disposent, pour leur investissement intellectuel spécialisé dans leurs différents domaines, d’un référentiel Univers : commun et globalement crédible pour enrichir et perfectionner, grâce à leurs contributions collectives, ce que l’on désigne : le Modèle Standard de la Cosmologie. Cette situation confortable a perduré tout au long d’une période pendant laquelle les observations et les enrichissements théoriques concomitants ont renforcé l’idée que nous avions élaboré une représentation cohérente de notre Univers auquel nous pouvions attribuer le statut d’un modèle standard.

Le processus de consolidation de la conception standard de l’univers a été obtenu au prix de l’enjambement d’incertitudes, accumulées et laissées en suspens, du fait de l’impossibilité d’établir une concordance entre des composants hypothétiques de notre univers avec des observations certifiantes. Il en est ainsi en ce qui concerne l’hypothèse de l’existence de matière noire à laquelle s’ajoute l’hypothèse de l’énergie sombre. Toujours est-il que cela représente 95% de ce qui composerait notre univers.  De plus il ne faut pas oublier que la thèse du Big Bang est toujours conjecturée. Jusqu’à présent nous n’avons toujours pas observé la moindre trace qui validerait cette hypothèse.

En quelques phrases j’ai pointé les failles qui font que notre connaissance de l’univers est fragile, mais le fait que l’être humain évolue au sein d’un univers n’a pas de raison d’être remis en cause. L’existence de l’univers étant assumée, sur la base de cette certitude, la pensée des scientifiques, s’est enrichie, s’est diversifiée jusqu’aux confins de nos diverses capacités actuelles d’auscultations concrètes et abstraites. Dans cette diversité, un questionnement axé sur le pourquoi et le comment une humanité pensante a pu émerger au sein d’un univers à l’origine purement matériel a pris une ampleur quasiment immédiate. Anthropos ne cesse de creuser… en conséquence la question existentielle envahissante s’est rapidement imposée : « Pourquoi l’univers physique, matériel, dont nous avons accès à l’observation, la compréhension, est-il compatible avec notre existence, en tant qu’êtres vivants et percevants ? »

Etant données les valeurs des grandeurs physiques fondamentales, invariantes, que nous déclarons universelles, recensées au sein de l’univers et qui sont indépendantes les unes des autres en un nombre limité (de l’ordre de 26), quel est ce hasard et ces circonstances qui ont permis l’émergence de la vie humaine ? Question taraudante, celle correspondant au chapitre du grand livre du questionnement scientifique avec l’intitulé : « Pourquoi un tel Ajustement Parfait de l’Univers (Fine-Tuning Universe) : « Pourquoi l’univers semble avoir les paramètres adaptés pour accueillir la vie intelligente ? » Je cite Stephen Hawking (1942-2018) : « Les lois de la science, tels que nous les connaissons à présent (sic), contiennent plusieurs nombres fondamentaux, comme celui de la charge électrique de l’électron et du rapport des masses du proton et de l’électron… le fait remarquable est que les valeurs de ces nombres semblent avoir été très finement ajustées pour rendre possible le développement de la vie. » 

Dans un premier temps, ces dernières décennies, les physiciens ont constaté, en fonction des certitudes scientifiques acquises, que si les valeurs de certains paramètres physiques étaient légèrement modifiées, voire très légèrement, cela aurait empêché la formation des composants nécessaires à l’émergence de la vie dans l’univers. La modification de la masse des particules élémentaires et/ou des constantes de couplage des forces fondamentales n’auraient pas favorisé la formation des planètes, des étoiles, des galaxies. Or, étant donné que nous sommes en premier lieu des êtres de la nature, ce qui veut dire que nous sommes le fruit d’un assemblage des poussières d’étoiles, des explosions des supernovas, etc.… et que cet assemblage est ordonné, entre autres, par exemple, grâce à la constante de couplage de l’interaction électromagnétique qui détermine la force du lien entre l’électron et le proton de l’atome d’hydrogène, atome premier du tableau de Mendeleïev (contenant actuellement 120 éléments), a pour valeur, sans unité :  1/137. Pourquoi cette valeur, d’où vient-elle ?

         A ce stade d’une démarche scientifique qui semble si rigoureuse, si pure, devoir faire appel à une sorte d’action divine, au dessein intelligent, pour rendre compte de l’existence de ces valeurs si particulières au sein de notre univers est difficilement acceptable. Il n’est pas souhaitable de s’en remettre au divin pour expliquer pourquoi les conditions physiques de l’émergence de l’univers et de son déploiement semblent avoir été taillées avec une finalité qui aurait été en faveur de l’émergence de l’existence humaine. Pour s’approcher de la réponse, s’il y en a une, il faut donc continuer à suivre une démarche scientifique. 

         Une de ces démarches scientifiques, qui peut être considérée à mes yeux comme probante, a été entreprise par S. Weinberg (1933-2021) qui a été le premier à affirmer en 1997 que l’existence du multivers était de l’ordre du probable : « On pouvait dire que si on avait une théorie fondamentale qui prédisait un grand nombre de Big Bang individuels avec des valeurs variables de l’énergie noire et une distribution de probabilité intrinsèque pour la constante cosmologique qui est plate – qui ne distingue pas les valeurs les unes des autres – alors, les êtres vivants devraient s’attendre à voir exactement ce qu’ils voient ». Il s’est trouvé que la théorie des cordes fournissait exactement le genre de loi microscopique prédictive d’un grand nombre de Big Bang dont Weinberg avait besoin. Il est important à ce stade de préciser que la théorie exploitée par S. Weinberg, et celle des cordes ne sont pas le fruit d’un même paradigme, loin s’en faut. Pourtant ces deux théories s’épaulent mutuellement et signent leur utilité respective ainsi que leur pertinence pour annoncer une probabilité significative du multivers. En conséquence l’idée du multivers est une idée qui procède d’un raisonnement scientifique standard sans pour autant lui accorder le statut d’une vérité qui serait finalement exhaustive.

La théorie du multivers est ainsi née. Parmi la multitude d’univers parallèles, chacun ayant des paramètres physiques différents, il n’est pas surprenant que les êtres humains aient évolué dans un de ceux-ci dans lequel les conditions de son habitabilité sont réunies. Ainsi, l’intrigue de ‘l’Ajustement Parfait de l’Univers’ s’évapore. L’hypothèse de l’existence d’autres univers plus ou moins probable au nôtre n’est plus tabou. Jusqu’à présent des preuves de l’existence d’au moins un de ces univers parallèles n’ont pas été apportées, à part Roger Penrose (prix Nobel 2021 pour ses travaux sur les trous noirs) qui le conjecture en auscultant la première image de l’univers 380000 ans après le Big Bang de notre univers.

Depuis que la théorie du multivers éventuel s’est imposée dans le paysage scientifique, d’autres chercheurs se sont emparés de la problématique de la pertinence de ce soi-disant ‘ajustement parfait de l’univers’ nécessaire à la présence humaine dans l’univers. Une réévaluation de cette problématique a été récemment réalisée et des études très récentes indiquent que les arguments de notre univers finement ajusté sont illusoires. La vie peut prendre des formes différentes de celle particulière considérée a priori et naïvement. En effet, si on fait varier simultanément plusieurs paramètres physiques cela allège les contraintes qu’imposent l’ajustement parfait. Cela suggère que dans l’univers, la vie peut surgir dans une marge de circonstances plus large que ce qui a été premièrement pensé. Par exemple, dans un premier long temps, il a été considéré que des modifications légères du rapport des forces qui gouvernent le noyau atomique ou bien des modifications légères de quelques constantes fondamentales de la nature, cela remettaient en cause la formation du carbone dans les étoiles, si essentielle pour le développement de la vie organique ainsi que pour garantir la durée de vie des étoiles fournissant l’énergie nécessaire à la formation de planètes habitables, en conséquence tout ceci était rédhibitoire à ce que soyons là, habitants de l’univers. Depuis, nous avons enjambé ce premier long temps et nous considérons maintenant qu’il y a des solutions physiques qui permettent d’autres ajustements des valeurs favorisant une émergence semblable de la vie. 

         En quelques décennies, au fur et à mesure que nous avons assimilé l’idée que nous étions installés dans un univers exclusivement finement ajusté : notre univers, nous avons desserré l’étau des contraintes relatives à la probabilité de notre existence dans celui-ci et nous avons aussi desserré les contraintes relatives à l’unicité de cet univers. « …Anthrôpos ne cesse de creuser sa connaissance de l’univers. » Ainsi, nous comprenons d’une façon de plus en plus affinée que les lois et les représentations qu’autorisent les lois de la physique que nous maitrisons à une période donnée, résultent de concepts coordonnés qui sont déterminés, à une période donnée, par notre façon de nous y prendre avec le monde qui est le nôtre pour le connaître.

         L’idée de multivers suscite actuellement d’importantes controverses entre les scientifiques. Citons, entre autres, Paul Steinhardt (Université de Princeton, théoricien de l’hypothèse du rebond) : « L’idée du multivers est baroque, non naturelle, invérifiable et, en fin de compte, dangereuse pour la science et la société (sic) » Rien que cela !! Dans l’autre camp Bernard Carr (Queen Mary, Université de Londres, a publié Univers ou Multivers ? chez Cambridge University Press, en 2007), explique que : « La notion d’un multivers ouvre une nouvelle perspective sur la nature de la science, et il n’est pas étonnant que cela cause un inconfort intellectuel. » Sabine Hossenfelder rappelle : « Vous êtes un être humain sur les quelques 7 milliards de la planète. Votre soleil est une étoile parmi la centaine de milliards de la Voie Lactée. La Voie Lactée est une galaxie parmi environ 100 milliards dans notre univers. Peut-être y a-t-il d’autres univers qui constituent ce que nous appelons le « multivers ». Cela n’a pas l’air si énorme que ça ? »

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                     La suite sera publiée le 12 Août. Elle signera la fin de la publication du chapitre 4, ainsi que la fin de la publication de mon mémoire.

 

[1] Plus précisément, et plus rigoureusement, le temps de Planck, 10-44s aprés le Big Bang

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29 juillet 2022 5 29 /07 /juillet /2022 11:01

Le 29/07/2022

Ce texte correspond à la troisième partie du chapitre 3 : ‘Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli’ du mémoire : L’Être humain est une réalité de/dans l’Univers. Evidemment, j’ai la responsabilité complète de l’écriture de ce chapitre, toutefois, préalablement, j’ai demandé à Carlo son accord en vue d’imaginer ce dialogue. Il me l’a donné dès le lendemain.

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Le suivi historique de l’évolution de ce travail de résistance intellectuel depuis Planck, à mon sens, vaut la peine d’être pris en compte, d’être documenté, et analysé. En effet, en 1958, F. Dyson (collègue de Feynman) écrivait : « Il ne s’agit pas de comprendre la mécanique quantique, mais de sauter le pas : accepter l’idée qu’il n’y a rien à comprendre, et apprendre à se servir du formalisme mathématique pour trouver des résultats en accord avec les faits expérimentaux. Et il ajoutait qu’avec le temps, les étudiants acceptent avec une résistance décroissante d’être brisé (to be broken down) pour consentir à cette attitude. »

 Encore aujourd’hui, étonnamment, S. Haroche[1] persiste à penser qu’il est toujours préférable de commencer par « tais-toi et calcule », plutôt que d’introduire les jeunes étudiants dans le monde de la physique quantique avec les questions de son interprétation. Ceci est à mon avis une question de pratique et de culture scientifique qui nous imprègne car les jeunes étudiants n’ont plus les mêmes blocages intellectuels que les générations précédentes. S. Haroche devrait considérer que l’évolution de type darwinienne du câblage de nos cerveaux continue d’agir et produire des effets progressifs au fur et à mesure que la connaissance et le questionnement scientifiques progressent grâce à des changements de paradigmes. Un grand spécialiste de la physique quantique comme Anton Zeilinger, dans son laboratoire à Vienne, constate régulièrement cette flexibilité cérébrale véloce et enthousiasmante des générations les plus récentes : « Quand des jeunes rejoignent mon groupe, on voit qu’ils cherchent leur chemin à tâtons dans le noir et qu’ils ne le trouvent pas intuitivement. Mais au bout d’un moment, deux ou trois mois, ils trouvent leur rythme, et ils développent cette compréhension intuitive de la mécanique quantique, et c’est très intéressant à observer. C’est comme apprendre à faire du vélo. »

Je propose de considérer que la conception de la physique classique offre le confort d’une pensée d’une description physique du monde hors de soi, mais avec l’avènement de la mécanique quantique nous devons considérer que nous avons non seulement atteint la fin du confort de cette pensée mais que celui-ci est irréversiblement aboli. Car la mécanique quantique rend compte aussi de l’organisation et du fonctionnement du monde intérieur constitutif de l’être humain. Au plus bas niveau, pensons à la chimie quantique, à un niveau constitutif plus élevé, considérons la biologie quantique, au stade le plus élevé de ce qui fait de nous des êtres humains se développe exponentiellement le domaine des neurosciences. Par exemple dans ce domaine, des propriétés et des méthodes spécifiquement quantiques permettent de modéliser des aspects de la dynamique du fonctionnement du cerveau comme indiqué ci-dessus. Grâce à la physique quantique nous disposons d’outils, de concepts, de méthodes, appropriés pour accéder à la compréhension et à la description du réel de l’humain. Avec la mécanique quantique une place est attribuée à l’observateur, celui-ci n’est plus extérieur à la théorie qui décrit le monde. La frontière jusque-là, apparemment, infranchissable entre la nature et celui qui la regarde et la pense n’a plus de raison d’être.

Nous disposerions donc d’un unique corpus théorique qui nous permet de progresser dans la compréhension du réel de l’humain ainsi que du non-humain-du réel. Le préalable philosophique du réalisme pur tel qu’il a été défini par Einstein et adopté par une très grande majorité de physicien ne peut plus servir de référence. La frontière supposée, sous-entendue, qui fit que le principe du réalisme scientifique Einsteinien s’imposa, est gommée. Ainsi on peut comprendre le travail de résistance acharné qu’il développa, sans succès, pour relégitimer le cadre préalable d’une philosophie réaliste pure. Pour lui, il sera impossible d’attribuer à la mécanique quantique le label d’une théorie complète tant que les conditions du rétablissement de cette frontière ne seront pas réunies. C’est la fonction assignée à ces fameuses variables cachées dont il fit l’hypothèse. L’article dénommé EPR publié en 1935 est un condensé des préoccupations d’Einstein avec le titre suivant : « Est-ce que la description par la mécanique quantique de la réalité physique, peut être considérée complète ? », avec la phrase introductive impérative résumant son point de vue : « Chaque élément de la réalité physique doit avoir une contrepartie dans la théorie physique. » Depuis il n’y a plus que quelques équipes de théoriciens, au monde, qui travaillent sur le sujet des variables cachées.

Weinberg n’a pas non plus pressenti qu’avec l’avènement de la mécanique quantique la dichotomie entre monde extérieur et monde intérieur de l’être humain n’avait plus lieu d’être. Il n’a pas non plus intégré l’idée que la mécanique quantique est une boite à outils théorique supportant de décrypter à la fois les lois de la matière inerte, les lois de la matière active organisée, le vivant, lorsqu’il formule le grief suivant : « Or, une théorie ne devrait pas se référer aux êtres humains dans ses postulats (sic). Il serait souhaitable de pouvoir comprendre des choses macroscopiques, comme les appareils expérimentaux et les êtres humains, selon les termes de la théorie sous-jacente. Il n’est pas souhaitable de les voir intégrés au niveau des axiomes de la théorie. » Il a expliqué que toutes les recherches qu’il avait menées pour tenter de dépasser ce qui lui paraissait fondamentalement anormal restèrent infructueuses. En conséquence, il reconnaissait que les fondements de la mécanique quantique définis par l’école de Copenhague étaient toujours incontournables et... extraordinairement fertiles.

Ce qui fut déroutant au début des années 1920, pour la plupart des théoriciens, c’est l’émergence empirique, progressive, d’axiomes formulés sans fondements théoriques préalables, pas même considérés intuitivement. Un nombre non négligeable de ces théoriciens acceptèrent cette démarche empirique, pragmatique, par la force des choses, en considérant que c’était une situation provisoire. Par exemple Max Planck était convaincu que la constante h qu’il avait été obligé d’introduire en 1900 pour rendre compte du rayonnement du corps noir n’était qu’un pur artefact. Finalement, d’ajustements empiriques en ajustements empiriques, c’est un corpus théorique qui, progressivement, s’est consolidé et a définitivement émergé en rupture complète avec celui de la physique classique. L’injonction persistante : ‘Tais-toi et calcule’, rappel qu’après un siècle la rupture n’est pas assimilée.

         Ceci étant dit, Carlo, a priori je devrais être d’accord avec toi lorsque tu déclares p.88 : « Il n’y a aucune raison de penser que l’observateur réel n’est pas, lui aussi, décrit par la théorie quantique. », toutefois cette déclaration est très générale. Celle-ci renvoie à ce que tu écris p.163 : « Or il est absurde de penser qu’un être humain, son esprit ou les chiffres qu’il emploie, joue un rôle particulier dans la grammaire de la nature. »  Or, la grammaire n’est pas là par elle-même. Elle ne nous est pas donnée. Elle est là, parce que tu l’as placé là. C’est donc que tu as réalisé une projection particulière, personnelle. Tu ne peux pas affirmer que : « la grammaire de la nature est là sans moi ». Ton esprit a joué un rôle particulier, il a créé ce concept de grammaire que tu prêtes à la nature, pour assurer un discours qui se veut abouti sur la nature. On ne sait pas ce qu’est un observateur réel, c’est une anticipation que tu proposes qui ne peut pas être de mise. Je ne pense pas qu’elle pourra être un jour de mise car cela supposerait que l’observateur, que nous sommes, pourrait être sur la voie d’une pétrification. Il y a des raccourcis théoriques que nous devons éviter.

         L’observateur est d’autant plus difficile à appréhender dans une réalité finale quelconque, qu’il ne cesse d’évoluer en se dotant présentement d’outils développés grâce à l’intelligence artificielle. Dans un futur proche son évolution se fera grâce à des moyens complémentaires prothétiques dont il est impossible d’en prédire les limites.

L’être humain observateur est multiple. Je persiste de considérer que chez l’être humain cohabitent un être de la nature et un être dans la nature. Cohabitation perpétuellement en déséquilibre car l’être dans la nature ne cesse vouloir réduire le périmètre, l’impact, de l’être de la nature. Ainsi s’explique la dynamique de la volonté de connaissance de l’être humain, celle-ci est, et sera inépuisable.

Roger Penrose, en tant que physicien fut une sorte de pionnier pour tenter de découvrir le/les liens entre le savoir des lois physiques et le savoir, du pourquoi, du comment il pourrait émerger de notre système cérébral, lorsque dans les années 1980 avec l’anesthésiologiste Stuart Hameroff, il avait essayé de découvrir une relation, entre la structure naturelle et le fonctionnement naturel de notre cerveau, avec notre compréhension et in fine certains énoncés des lois physiques. Ainsi, concrètement, dans sa recherche il avait tenté d’attribuer à la gravité le processus de la réduction de la fonction d’onde[2]. Sa pré-vision était que les problèmes de la mécanique quantique et ceux que pose la compréhension de la conscience sont liés de multiples façons. Il essaiera d’identifier quels types de structures et d’actions du cerveau pourraient servir de support à ces types nouveaux de processus physiques. Ainsi il avait été amené à énoncer : « Non seulement j’affirme que nous avons besoin d’une nouvelle physique, mais aussi celle-ci doit s’appliquer à l’action du cerveau. » Il fut de plus amené à admettre que les concepts de la mécanique quantique puissent intervenir dans la compréhension des phénomènes mentaux chez l’homme.

Certes, depuis le temps, les travaux de R. Penrose n’ont pas à ce jour ouvert de voies fructueuses qui laisseraient envisager des résultats prometteurs, par contre depuis quelques décennies les neuroscientifiques progressent à grand pas en ce qui concerne la compréhension du fonctionnement du cerveau ainsi que de ses dysfonctionnements. Une étroite coopération devrait s’engager entre les physiciens et les neuroscientifiques car nous devrions explicitement prendre en compte le fait que la physique est la science de l’interface entre l’être humain et la nature.

Cette coopération entre physiciens et neuroscientifiques est objectivement pressenti par les auteurs de l’article du 11 Mai 2022 rapporté par Ingrid Fadelli : « Exploitation des méthodes du groupe de renormalisation pour étudier comment le cerveau traite l’information », cité ci-avant, puisque les auteurs de cet article annoncent la perspective suivante : « À l’avenir, la théorie introduite pourrait être utilisée pour examiner diverses autres dynamiques cérébrales et processus neuronaux, allant au-delà de la criticité. En outre, cela pourrait finalement ouvrir la voie à l’introduction d’autres constructions théoriques (sic) fusionnant la physique et les neurosciences. »

D’autres constructions théoriques fusionnant la physique et les neurosciences : voilà un projet ambitieux qui devrait nous mobiliser. Peut-être est-il déjà entrepris par des chercheurs pionniers dans quelques laboratoires. J’ai vraiment la conviction que c’est une voie à suivre. Le décloisonnement des connaissances scientifiques, auquel j’aspire depuis longtemps, demande de vaincre des inerties très significatives. Il me semble que pour prendre le problème à bras le corps, il faut réunir un comité scientifique ad-hoc, avec les moyens appropriés, ayant la vocation de catalyser au niveau international des lignes directrices, proposées dans un manifeste, qui engendreront des axes de recherches et d’enseignements pluridisciplinaires.

Enfin je cite ce que nous dit Christof Koch[3] : « Il ne fait guère de doute que notre intelligence et nos expériences résultent des capacités naturelles de notre cerveau à établir des enchaînements de causes et d’effets. Cette disposition a extrêmement bien servi la science au cours des derniers siècles. Le cerveau humain, cet organe d’à peine un kilo et demi à la texture comparable au tofu, est de loin le morceau de matière active organisée le plus complexe connu de l’univers. Mais il obéit aux mêmes lois de la physique que les objets de la nature connus actuellement. Rien n’échappe à ces lois. Nous ne comprenons pas encore tout à fait les mécanismes causaux en jeu, mais nous les expérimentons tous les jours. » La première phrase citée de Ch. Koch, doit mettre en éveil notre vigilance car nous ne disposons toujours pas des connaissances assurées pour affirmer ce qui est prétendu par l’auteur : que notre intelligence si diverse résulterait directement des capacités naturelles de notre cerveau... Certes, notre cerveau est un substrat essentiel duquel émerge nos capacités intellectuelles. D’un côté il y a de la matière active organisée, de l’autre de l’immatériel ! Ce sont des phénomènes extraordinaires qui sont en jeux, et nous sommes totalement impliqués dans ce cercle magnifique. Restons lucide, notre compréhension de ce processus du passage d’une activité matérielle propre à notre cerveau à l’émergence d’un flux immatériel continu de cogitations et de pensées, humaines et humanisantes, ne nous sera peut-être à jamais vraiment accessible. Peut-être qu’à ce niveau nous esquissons l’horizon limite de notre capacité d’introspection.

          Grâce aux avancées actuelles et à venir, que permettent les travaux des chercheurs en neurosciences, les physiciens bénéficieront d’une compréhension plus élaborée concernant notre relation cognitive avec la nature telle qu’elle est engendrée, ils bénéficieront aussi d’une compréhension des motivations et des dynamiques misent en œuvre. A mon sens, Carlo, la conception structuraliste globale relationniste entre l’être humain et la nature, que tu proposes, ne peut pas intégrer, pas plus bénéficier des avancées des connaissances qui sont et seront développées à propos de nos capacités cognitives.

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La publication du chapitre 3 est ainsi close. Le 5 Août sera publié la 1e partie du chapitre 4 : ‘Au sein d’une éternité parmi tous les possibles …’

 

[1] Professeur honoraire au Collège de France. Membre de l’Académie des sciences et prix Nobel de physique en 2012 pour la mise en œuvre des méthodes permettant de manipuler et de mesurer des objets quantiques individuels.

[2] Dans une publication en 2020 et une plus récente de juin 2022, une équipe de recherche dirigée par Catalina Curceanu il a été clairement indiqué que les effets déductibles de cette hypothèse ne sont pas observés. Une 3e étape expérimentale est programmée

[3] Directeur scientifique et président de l’institut Allen pour les sciences du cerveau, à Seattle. In ‘Pour la Science’ Hors-série N° 115

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22 juillet 2022 5 22 /07 /juillet /2022 11:00

Le 22/07

Cette publication constitue la 2e partie du chapitre 3 de mon mémoire « l’Être humain est une réalité de/dans l’Univers ».

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                                    Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli (2)

Proclamer que : « la mécanique quantique décrit la grammaire élémentaire et universelle de la réalité physique », c’est envahissant. Cela correspond à une invasion de l’impatience du physicien réaliste. On ne peut pas garantir que ce but soit atteint. Rien de tel ne doit être formulé. Qui peut savoir que l’os du monde réel est atteint et, une bonne fois pour toutes, que sa grammaire élémentaire est maîtrisée, qui plus est, elle serait universelle ? Jamais nous ne devons avoir l’ambition d’atteindre la pensée aboutie. Puisque ce serait la fin de la pensée. Les victoires provisoires de la pensée doivent sans cesse provoquer une disponibilité intellectuelle qui ouvre la porte pour accéder à des nouvelles compréhensions non encore imaginées. Seule l’acception de cette dynamique en jeu est source de progression pour le sujet pensant. Libérons-nous de la pensée du savoir universel ainsi que de celle de la réalité physique, pensées qui nous emprisonnent et obstruent notre horizon. Elles ne sont pas réalistes. Nous sommes dans le flux de l’histoire du développement de la connaissance du monde naturel. On ne peut prétendre qu’avec nous, présentement, cette histoire atteindrait sa fin.

         Page 177 : « La longue recherche de la physique de la « substance ultime », qui est passée par la matière, les molécules, les atomes, les champs, les particules élémentaires, etc. ; a fait naufrage dans la complexité relationnelle de la théorie quantique des champs et de la relativité générale. »

         Je suis très satisfait de ce que tu dis sur ce point. En effet, en novembre 2011, j’ai commis un article sur mon blog : ‘Qui se permettra de le dire !’, dans lequel j’exprimai mon pessimisme à l’égard de théorie quantique des champs et des extrapolations sans limites, si peu contraintes. Notamment à l’égard des neutrinos puisque subitement, puisque leurs saveurs oscillaient, dans le lagrangien du modèle standard des particules élémentaires, on a introduit un couplage entre le champ de Higgs et les différents neutrinos en prétendant que leurs masses étaient de même nature, gravitationnelles et inertielles, comme les autres particules élémentaires. Morale de l’histoire quand nous pouvons observer quelques phénomènes relatifs à ces objets, ironiquement ils semblent sans cesse nous signifier depuis plus d’un demi-siècle : « Nous ne sommes pas ce que vous croyez. » La physique des neutrinos n’est pas encore comprise car ils sont les vecteurs d’une autre physique à part entière.

         J’apprécie beaucoup le travail de recension que tu as réalisé auprès d’écrits d’auteurs qui ont analysé, décrypté, le fait que la connaissance s’inscrit aussi dans l’histoire humaine. Complémentairement je cite le titre du paragraphe relevé dans ‘Une histoire des civilisations’ (2018, sous-titre : « Comment l’archéologie bouleverse nos connaissances. ») : « La découverte de la continuité entre l’histoire de l’homme et celle de la nature »

Je pense et j’espère que je ne suis pas seul à devoir te complimenter pour ce travail de premier ordre. Je me permets de contracter ce que tu as écrit entre la page 148 et la page 161 parce que cela est pour moi essentiel, ainsi : « Pour Ernst Mach (1838-1916), c’est l’activité humaine concrète, dans le cours concret de l’histoire, qui apprend à organiser sous une forme progressivement meilleure les faits du monde avec lesquels elle interagit… La connaissance est dépouillée de tout caractère anhistorique… il ne s’agit pas d’une acquisition définitive, mais d’un processus ouvert (sic). » ; « l’humanité qui connaît n’est pas un sujet transcendant isolé, c’est l’humanité réelle, historique, qui fait partie du monde naturel. » ; « l’histoire est un processus, la connaissance est un processus. La connaissance scientifique évolue, écrit Bogdanov (philosophe et révolutionnaire russe, 1873-1928), et la notion de matière propre à la science de notre temps pourrait n’être qu’une étape intermédiaire sur le chemin de la connaissance. » ; « Le meilleur moyen d’apprendre est d’interagir avec le monde en essayant de le comprendre, en réajustant nos schémas mentaux en fonction de ce que nous découvrons. Ce respect pour la science, en tant que source de notre savoir sur le monde, a évolué jusqu’au naturalisme radical de philosophes comme Willard Quine, pour qui notre propre connaissance est un processus naturel, parmi d’autres et doit être étudié comme tel. »

Quand tu mets en relief l’idée : de l’humanité réelle, historique, qui fait partie du monde naturel, c’est exactement ce que je veux exprimer d’une manière condensée avec le concept de ‘Présence’, qui se trouve être à mes yeux symboliquement figuré par l’artistique quintessence de l’être humain que nous propose Giacometti avec ses sculptures. Ma conception de l’humanité réelle qui fait partie du monde naturel est plus nuancé car l’histoire du développement de l’humanité implique de prendre en compte qu’il se libère de ses origines purement naturelles ‘l’Être de la nature’ pour évoluer vers un ‘Être dans la nature’. Cette conception a des conséquences pour apprécier correctement la dynamique du développement de l’acquisition des connaissances sur la nature. Je considère qu’il est nécessaire de prendre en compte cette double nature de la relation de l’être humain avec la nature. 

Page 161, je te cite : « De nombreuses « interprétations » de la mécanique quantique, comme celles énumérées au chapitre II, me semblent des efforts pour comprimer les découvertes de la physique fondamentales dans les canons de nos préjugés métaphysiques. Sommes-nous persuadés que le monde est déterministe, que le futur et le passé sont déterminés de manière univoque par l’état actuel du monde ? Alors, nous ajoutons des quantités qui déterminent le passé et le futur, même si elles sont inobservables. La disparition d’une composante d’une superposition quantique nous trouble ? Nous inventons un univers parallèle inobservable, où cette composante ira se cacher. Et ainsi de suite. Je pense que nous devons adapter notre philosophie à notre science, et non l’inverse (sic). »

Ce que tu qualifies comme étant nos préjugés métaphysiques, je le désigne sous le vocable : nos déterminations. Le processus par lequel nous réduisons nos déterminations témoigne du processus existentiel par lequel l’être de la nature se libère de sa gangue originelle naturelle. Ce processus de réduction est le fruit de la cogitation sur les contraintes perceptibles de la nature, cogitation qui finalement éclaire, enrichit et émancipe l’être dans la nature. Chez l’être humain, plus la place de l’être dans la nature se développe, plus la place de l’être de la nature se réduit, c’est un processus inexorable que je ne cesse de préfigurer.

Pour illustrer mon propos je propose de prendre en compte le fait que la sélection et le développement au sein du genre Homo s’est réalisé dans un processus de confrontation, des représentants des différentes familles du genre Homo, à la nature. In fine, Homo sapiens sera la famille qui survivra parce que les réponses techniques que Sapiens est désormais capable de développer lui permettent de s’adapter à des environnements naturels de plus en plus extrêmes. Dès avant le dernier maximum glaciaire qui culmine il y a 21000 ans, des populations humaines ont été capables de prospérer beaucoup plus haut en latitude qu’aucune autre avant elles… On prête à Homo sapiens d’être le vecteur d’innovations techniques avec un penchant certain pour l’anticipation, ce qui lui permet de promouvoir des solutions flexibles en réponse à des besoins aussi immédiats que futurs. Bref, le développement des capacités cérébrales de nos très lointains ancêtres a été l’affaire d’un long cours historique d’une confrontation totale avec la nature à l’échelle dite classique. Nos capacités cérébrales d’inférer se sont développées à cette échelle, nos bases de connaissances, nos méthodes d’analyses des propriétés physiques de la nature, nos schémas intellectuels, bref notre intelligence de la nature est accoutumée à cette échelle et elle est profondément déterminée par les succès de cette pratique. Le passage à l’auscultation, à la compréhension de la nature à l’échelle du monde quantique doit s’apprendre, s’acquérir en levant le voile des déterminations acquises au cours de l’apprentissage précédent. Carlo, tu es un représentant de ceux qui contribuent à ce que le cerveau de l’humanité réelle (sic) développe de nouveaux réseaux neuronaux naturels qui créent de nouvelles déterminations produites par le développement de la pensée quantique. A ce stade, nous devons nous interroger sur la situation qui s’installe présentement visant à concevoir et développer, en prolongement des techniques de l’intelligence artificielle, des réseaux neuronaux artificielles qui au bout du compte par leur exploitation n’obligeraient pas, en tous cas réduiraient la contrainte de l’apprentissage cérébral naturel du cerveau humain. Si c’était le cas, il serait périlleux de renoncer à développer des capacités d’inférences propres à ce nouveau monde qui se présente à nous, celui du monde régi par la mécanique quantique. Ainsi, nous avons encore du chemin à parcourir pour lever la détermination qui nous empêche d’expliquer justement, donc d’intérioriser, cet extra-ordinaire phénomène que nous nommons ‘intrication’. Je suis certain que l’intelligence humaine arrivera à perforer la détermination qui est à la source de l’aveuglement, encore présent, de notre intelligence de ce phénomène. Nous atteindrons l’explication fondamentale du comment et du pourquoi ce phénomène se présente à nos yeux. Et partant, nous comprendrons comment et pourquoi nous sommes impliqués, en tant qu’observateurs, dans la perception de ce phénomène. Une fois que ce palier de connaissance et de compréhension sera conquis, sans aucun doute, un nouvel horizon de questions surgira.

         C’est historiquement important et scientifiquement juste de rappeler des éléments du discours de Bohr à Côme (page 163, dans ton livre) : « Alors qu’en physique classique, les interactions entre un objet et l’appareil de mesure peuvent être négligées (ou bien si cela est nécessaire, nous pouvons en tenir compte et les compenser), en physique quantique cette interaction est une partie inséparable du phénomène. C’est pourquoi la description non ambiguë d’un phénomène quantique doit en principe inclure la description de tous les aspects pertinents du dispositif expérimental. »

         C’est aussi une belle synthèse de ta part de proposer ta version en remplaçant : ‘cette interaction’ par ‘l’interaction’, ainsi que ‘aspects’ par ‘objets’ : « Alors que nous pensions auparavant que les propriétés de tout objet étaient déterminées même si nous négligions les interactions en cours entre cet objet et les autres, la physique quantique nous montre que l’interaction est inséparable des phénomènes. La description non ambiguë de tout phénomène demande d’inclure tous les objets impliqués dans l’interaction dans laquelle le phénomène se manifeste. »

         Après ce constat de nos désaccords, il y a peut-être la perspective d’une convergence de nos points de vue respectifs. En effet, nous sommes parfaitement conscients que notre façon d’appréhender la connaissance en physique se situe dans le prolongement des penseurs du passé et contemporains qui se sont interrogés sur ce sujet. On partage l’idée qu’il y a une continuité entre l’histoire de l’homme et celle de la nature et que le développement de la connaissance de la nature s’inscrit dans l’histoire humaine. Et c’est une histoire active, qui contribue à la dynamique de l’évolution humaine comprenant évidemment l’évolution des capacités cognitives du sujet pensant. Tu rappelles que pour E. Mach : la connaissance est la science de la nature et le processus d’acquisition des connaissances de celle-ci est ouvert, il n’y a donc pas d’acquisitions définitives. Je partage cette conception de notre interaction avec le monde et j’adhère à l’idée que « l’humanité qui connaît n’est pas un sujet transcendant isolé, c’est l’humanité réelle, historique, qui fait partie du monde naturel. »

         En apprenant sur la nature, on apprendrait tout autant sur l’évolution des capacités cognitives de l’être humain. Aussi en constatant qu’à l’échelle de l’infiniment petit les phénomènes observés dans la nature sont interprétables si, et seulement si, on admet qu’ils obéissent à des lois discrètes où la discontinuité quantique est la règle, peut vouloir signifier que nos capacités intellectuelles sont infiniment flexibles et ne peuvent être rendus compte par aucun mécanisme arrêté. Toutefois, une signification alternative peut être esquissée, celle-ci étant sérieusement intrusive pour l’être humain, dans la mesure où on peut considérer qu’à l’échelle quantique nous accédons à une correspondance résonnante, une continuité descriptive, entre l’organisation perçue de la nature hors de nous et des modalités fonctionnelles apparemment naturelles qui prévalent en nous et contribuent à la dynamique de l’activité réflexive au moyen de notre cerveau. A voir si nous ne disposerions pas déjà d’un exemple qui corrobore cette hypothèse de correspondance résonnante grâce aux travaux des neuroscientifiques qui sont amenés à déclarer : « On est en droit de considérer que si la formule de Bayes décrypte le monde, celle-ci décrirait tout autant les mécanismes du cerveau. Ceci serait en même temps une sacrée ouverture sur une théorie de la pensée. »

          Il se trouve que les articles qui traitent de ce sujet sont de plus en plus fréquents et je cite quelques-uns des plus récents qui accorderaient de la vraisemblance à mes propos ci-dessus : sur le site ‘Phys.org’ : ‘Using renormalization group methods to study how the brain processes information’ 11 May 2022, by Ingrid Fadelli ; soit « Utilisant les méthodes du groupe de renormalisation pour étudier comment le cerveau traite l’information ». Sur le site Techno-Science, 17/06/2022, : « Comment le cerveau apprend-il ? Tout le monde sait que le cerveau humain est extrêmement complexe. Mais comment apprend-il exactement ? Eh bien, la réponse pourrait être beaucoup plus simple qu'on le croit. », en effet : « Une équipe de recherche internationale dont fait partie l'Université de Montréal a réalisé une avancée majeure en simulant avec précision les changements synaptiques dans le néocortex qui sont considérés comme essentiels à l'apprentissage, ouvrant ainsi la voie à une meilleure compréhension du fonctionnement du cerveau. » Le cortex étant la partie la plus ‘récente’ du développement du cerveau qui se serait engagé il y a au moins 2 millions d’années, il est étudié avec une très grande attention par les neuroscientifiques, voir : « L’architecture du cortex pourrait avoir évolué pour réaliser, à très grande vitesse et de façon massivement parallèle, des inférences Bayésiennes. »

La découverte de la mécanique quantique a rencontré, dès ses débuts, une très grande résistance de la part des scientifiques. Cela semble un comportement à contre-courant de l’activité du chercheur-découvreur qui a vocation à mettre en évidence des nouvelles propriétés de la nature. Cette résistance peut s’expliquer parce que les premiers physiciens qui ont été confrontés à cette nouvelle physique provenaient d’une formation scientifique soutenue par une connaissance de la nature étudiée à l’échelle classique. Je propose de garder présent à l’esprit l’hypothèse que le travail de résistance, tel qu’il est décrit par Max Planck lui-même dans cet extrait ci-dessous, soit la marque du caractère intrusif de la science quantique chez l’être humain. Voir ‘Autobiographie Scientifique’ de Planck, page 93 (Flammarion, Champs, année 1960) : « Tandis que l’importance du quantum d’action dans les rapports entre entropie et probabilité se trouvait donc définitivement établie, le rôle joué par cette constante nouvelle dans le déroulement uniformément régulier des processus physiques restait encore une question tout à fait obscure. J’essayai donc immédiatement de rattacher d’une manière quelconque le quantum élémentaire d’action h au cadre de la théorie classique (sic). Mais la constante se révélait encombrante et récalcitrante à chacun de mes essais… L’échec de toutes mes tentatives pour sauter l’obstacle me rendit bientôt évident le rôle fondamental joué par le quantum élémentaire d’action dans la physique atomique, et que son apparition ouvrait une ère nouvelle dans les sciences de la nature. Car elle annonçait l’avènement de quelque chose d’entièrement inattendu et elle était destinée à bouleverser les bases mêmes de la pensée physique, qui depuis la découverte du calcul infinitésimal s’appuyaient sur l’idée que toutes les relations causales sont continues.

         Mes vaines tentatives pour ajuster le quantum élémentaire d’action d’une manière ou d’une autre au cadre de la physique classique (sic) se poursuivirent pendant un certain nombre d’années et elles me coutèrent beaucoup d’efforts. De nombreux collègues trouvèrent qu’il y avait là quelque chose qui frisait la tragédie… »

         On mesure, grâce à cette autobiographie d’une franche sincérité scientifique de Max Planck, oh combien ! l’acceptation d’un champ inédit de compréhension de propriétés de la nature ne dépend pas uniquement de la lecture d’un résultat mathématique qui soit en accord avec une observation scientifique. Planck ne nous cache pas qu’il développe une résistance intellectuelle tenace à la nouveauté bouleversante pour retrouver le cadre traditionnel dans lequel sa pensée de physicien du monde de la dimension classique, du monde des objets macroscopiques, a toujours évolué. Le quantum d’action indivisible représenté par h met en évidence quelque chose d’invraisemblable, étant donné sa formation de physicien classique. A cette époque le caractère discret de la valeur de l’énergie du rayonnement est invraisemblable et cela constituait effectivement un obstacle pour qu’il puisse prolonger sa pensée de physicien hors du monde macroscopique. Jusqu’au tournant du vingtième siècle on avait observé que la nature n’obéissait qu’à des lois continues. Comme le rappelle S. Haroche dans son livre p.44 : ‘La Lumière révélée’, (2020, édit. O. Jacob), « Nos cerveaux câblés par l’évolution darwinienne pour comprendre intuitivement le monde des objets macroscopiques et pas celui des atomes ou des photons. », rend compte de la raison pour laquelle M. Planck résiste à admettre pleinement le résultat qu’il a pourtant empiriquement mis en relief.

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                               Le 29/07 sera publié la 3e partie de ce chapitre.

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15 juillet 2022 5 15 /07 /juillet /2022 14:45

            15/07/2022

Cette publication constitue la 1e partie du chapitre 3 de mon mémoire « L’Être humain est une réalité de/dans l’Univers. »

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Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli

Carlo Rovelli a publié en 2021, édit. Flammarion, un nouveau livre : ‘Helgoland’, avec en sous-titre : « Le sens de la mécanique quantique. » Version originale italienne en 2020. La première partie de l’ouvrage revient encore sur l’histoire de l’avènement de la mécanique quantique, comme ce fut le cas pour les trois livres que j’ai cités aux premières lignes du Prologue. A cette occasion, j’avais manifesté de la lassitude parce que la lecture de ces livres n’apportée rien de nouveau, cela ressemblait, à mes yeux, à du ressassement donc à de l’impuissance à comprendre au-delà des impasses identifiées de la physique fondamentale depuis quelques décennies.

La deuxième partie du livre de C. Rovelli échappe à cette litanie monotone car il propose des hypothèses hardies, et je l’en remercie. A son égard, je ne peux pas formuler les griefs que j’ai été amené à formuler à regret dans mon ‘Prologue’ vis à vis des scientifiques cités. Je n’adhère pas totalement aux hypothèses courageuses de Carlo, par contre elles proposent des lignes directrices de réflexions qui me conviennent et méritent d’être prospectées.

Dans ce dialogue imaginaire, je reprends une partie de ses hypothèses et je m’adosse sur celles-ci en espérant mieux expliciter les miennes propres déjà développées dans les chapitres précédents. Systématiquement et préalablement je cite dans le texte ce qui est conçu par Carlo, en essayant de respecter le contexte dans lequel il situe sa pensée. Mon propos n’est pas d’expliquer au lecteur de ce chapitre que mon point de vue est plus approprié que le sien. Je me situe dans un contexte de confrontation d’hypothèses et c’est aux lecteurs d’en faire leur miel.

Dans le livre ‘Helgoland’, Carlo entreprend de faire une analyse critique du Qbism. Je cite, pages 87-88 : « Il y a un autre point important qui est selon moi la clé de voûte de toute la discussion : le q-bisme ancre la réalité à un sujet de connaissance un « moi » qui sait comme s’il se tenait en dehors de la nature. Au lieu de voir l’observateur comme faisant partie du monde, le q-bisme voit le monde reflété dans l’observateur… Le monde existe même si je ne l’observe pas. Je veux une théorie physique qui rende compte de la structure de l’Univers, qui clarifie ce qu’est un observateur à l’intérieur d’un Univers, et non une théorie qui fait dépendre l’Univers du « moi » qui observe. » ; page 89 : « Qui est le sujet qui connaît et détient l’information ? Qu’est-ce donc que l’information qu’il possède ? Qu’est-ce qu’un sujet qui observe ? Echappe-t-il aux lois de la nature, ou est-il lui aussi décrit par les lois naturelles ? Est-il en dehors de la nature ou fait-il partie du monde naturel ? S’il fait partie de la nature, pourquoi lui réserver un traitement spécial ? »

Je partage le point de vue de Carlo à propos de l’interprétation Qbist de la mécanique quantique, car c’est une interprétation qui n’ancre pas à un niveau approprié dans la nature le sujet de connaissance. C’est en 2014 que j’ai réfuté leur démarche interprétative et en contrepartie cela m’a obligé et conduit à consolider mon hypothèse de la ‘Présence’.

Je suis d’accord avec toi, Carlo, pour considérer que le sujet de connaissance fait partie du monde naturel mais il en fait partie sans que sa spécificité de sujet pensant soit gommée. Il ne faut pas gommer qu’il y a eu 2 millions d’années d’évolution du genre Homo qui nous ont précédées, à partir d’un être vivant archaïque totalement modelé par la nature. On ne peut pas ignorer qu’il y a eu un très long processus à l’œuvre pour que le genre Homo arrive à s’extirper progressivement d’une dépendance, au début, absolue, des contraintes imposées par la nature. C’est un processus par lequel l’intelligence acquise de la nature de la part d’Homo ainsi que l’adaptation à ses contraintes se sont concomitamment développées. Processus que l’on relie au développement cérébral. C’est pourquoi selon mon hypothèse, chez l’Être humain, cohabitent l’Être dans la nature et l’Être de la nature. Grâce à cette hypothèse, je peux répondre à tes questions successives :

Oui, le sujet qui connaît fait partie partiellement de la nature ; oui, il s’est hissé en partie en dehors des contraintes de la nature, celles dont il en a acquis la compréhension même si celle-ci n’est que partielle donc provisoire. Il y a différents niveaux d’intelligence, mais il est bien plus juste de considérer qu’il y a une histoire de l’évolution de l’intelligence humaine.

Par exemple au moyen âge lorsqu’une armée faisait le siège d’un château celle-ci savait empiriquement déterminer, approximativement, quels moyens il fallait réunir pour que les projectiles visant à ébrécher la forteresse assiégée aient la bonne trajectoire pour atteindre le point d’impact choisi. Après plusieurs siècles écoulés, Isaac Newton (1642-1727), grâce à la découverte de ses lois, met en évidence que ces trajectoires obéissent à des lois naturelles. En conséquence, le cap est franchi de savoir les prédirent par le calcul. Partant, les lois de Kepler (1571-1630), concernant les orbites planétaires de notre système solaire dictées empiriquement à cette époque furent aussi formellement calculées par Newton. Si on rappelle que l’astronome Kepler a mis en évidence ses lois en s’appuyant sur les observations et les mesures précédentes obtenues par l’astronome Tycho Brahe (1546-1601) on met en relief l’histoire de l’évolution de la connaissance sur ce thème, donc de l’évolution du patrimoine intellectuel humain et donc de l’évolution permanente du socle sur lequel le sujet pensant se hisse pour déployer des nouvelles perspectives de conquêtes de connaissances. Ainsi le sujet pensant s’émancipe des contraintes de la nature en explicitant ses lois, au fur et à mesure qu’il les dévoile. Il devient de plus en plus sujet dans la nature. Et plus il est sujet dans la nature, plus il a une perspicacité intellectuelle du fait naturel. A ce titre il faut octroyer au sujet pensant un statut spécial, parmi les objets de la nature, car il acquiert sans cesse au cours de son évolution une base de connaissances qui lui permet d’évoluer comme observateur avisé et/ou acteur conscient dans sa relation avec la nature.

Depuis l’origine d’Homo, ce qu’il distingue comme étant extérieur à lui-même, il lui attribue une identité spécifique, le désigne, et partage avec ses partenaires ce dont il a donné existence. Ainsi la lune une fois qu’elle a été désignée, pointée dans le ciel, par exemple par Homo erectus, une fois que cette intelligence lui a attribué une existence première, elle existe définitivement puisqu’elle s’inscrit progressivement dans la base des connaissances de l’humanité. La base des connaissances et des raisonnements (inférences) s’est développée dans le cadre d’une confrontation permanente avec la Nature à l’échelle classique. En conséquence notre aptitude intellectuelle s’est développée avec une perception des phénomènes naturels à cette échelle. Notre capacité à cogiter est entraînée et affûtée à cette échelle. J’ajoute moulée par cette échelle. On peut dire que notre confrontation avec les propriétés de la Nature à l’échelle atomique puis subatomique s’est engagée au tout début du vingtième siècle, effectivement en 1900. Ce sont les travaux de Max Planck qui ont été déclencheurs. J’évoque dans la suite de ce chapitre, la difficulté voire l’impossibilité par ce physicien de penser les propriétés naturelles autrement que par le schéma classique qui l’a intellectuellement déterminé.

A propos de ton affirmation : « Le monde existe même si je ne l’observe pas. », j’éprouve la nécessité d’indiquer ma part d’adhésion nuancée à ce propos. Premièrement, nous devons distinguer ce que nous savons sur le monde auquel nous attribuons actuellement une existence propre et ce qu’il serait réellement. La coïncidence n’est pas scientifiquement assurée, c’est pourquoi ce qui fait consensus chez les scientifiques c’est de se référer à un modèle standard de la cosmologie. En bref, le monde que nous avons scientifiquement conçu jusqu’à présent n’est pas ce qu’il est effectivement, en tous les cas on ne peut pas l’affirmer comme tel. Ce sont les physiciens réalistes qui sont dans l’affirmation. Par contre, ce que l’humanité a engrangé comme connaissances sur l’univers est là, il est là comme modèle enregistré, même si je ne l’observe pas assurément. Ce que nous avons modélisé comme représentation du cosmos fait partie de notre patrimoine intellectuel et donc nous lui avons donné existence. C’est pourquoi, j’ai toujours trouvé inappropriée l’interpellation d’Einstein, qui voulant justifier sa philosophie ‘Réaliste’, dit à N. Bohr : « Ne me dites pas que la lune n’existe pas quand personne ne la regarde. » Il est clair qu’une fois que la lune a été désignée, particularisée comme objet dans le ciel, par les premiers représentants de l’humanité ayant acquis la faculté de la désigner à demeure, le fait de l’évoquer réactive son/une existence avec toutes les caractéristiques qui ont été précisées au cours de l’histoire de son étude. La visibilité intellectuelle est certes, une visibilité abstraite mais elle prête existence à ce qui appartient à la base de connaissances de l’humanité.

J’apprécie beaucoup que tu poses le problème de la résolution de la place de l’être réflexif, au sein de la nature, pour assurer une progression de nos connaissances actuelles en physique. C’est la première fois que je rencontre de la part d’un physicien une conscience aussi aiguë de ce problème. Et c’est aussi évident, à mes yeux, que la question se pose lorsque l’on souhaite élucider pleinement les phénomènes propres de la mécanique quantique qui continuent de nous interpeler depuis plus d’un siècle. Notre fonctionnement cérébral ne doit pas être très éloigné d’un fonctionnement régit par des propriétés quantiques. Cette assertion osée, quoique[1], que je formule pourrait laisser penser qu’à terme on sera en mesure de penser quantique. Ce qu’il ne faut pas exclure ! Etant donné les avancées en neurosciences, il se pourrait, à force de se frotter aux problèmes naturels qui sont traités grâce à la mécanique quantique, que des réseaux neuronaux, par apprentissage, s’établissent d’une façon de plus en plus stable et rodés dans notre cerveau et nous entraînent à penser naturellement quantique. 

Par contre, je ne pourrais pas dire comme toi : « Je veux une théorie physique qui rende compte… » Lorsqu’un physicien exige une telle chose, à mon avis il court le très grand risque d’orienter sa quête vers une cible prématurément prédéterminée qui s’avérerait finalement chimérique. Tu as raison il faut clarifier, ne pas cesser de clarifier, ce qui doit l’être sur la base du savoir qui est dans l’étape présente maîtrisée, mais parmi tous les possibles qui constituent la richesse de/des univers, on ne peut pas enjamber les propriétés de la nature comme le ferait un ‘chat botté’ pensant. Pensons à ceux qui voulaient, et probablement veulent encore, mais en moins grand nombre, voir dans les détecteurs l’émergence de particules supersymétriques ; ce qui fut un temps un vouloir apparemment raisonnable étant donné l’observation concrète de particules dites symétriques.

   Carlo a écrit, page 96 : « La clé de voûte des idées de ce livre, est le simple constat que le scientifique et son instrument de mesure font eux aussi partie de la nature. Ce que la théorie quantique décrit est la manière dont une partie de la nature se manifeste auprès d’une autre partie de la nature (sic).

            Le cœur de l’interprétation « relationnelle » de la théorie quantique est l’idée que la théorie ne décrit pas la façon dont les objets quantiques se manifestent auprès de nous (ou auprès des entités particulières qui « observent »), elle décrit comment n’importe quel objet physique se manifeste auprès de n’importe quel autre objet physique. Comment un objet physique agit sur un autre objet physique. »

            Je partage l’idée que le scientifique et son instrument de mesure font eux aussi partie de la nature mais comme je l’ai indiqué ci-dessus, dans le chapitre précédent : le scientifique est dans une posture qui le différencie, il est sur un promontoire, il est en surplomb dans la nature, non seulement il est relationnel mais il est aussi pensant, actif, interrogatif, spéculatif. La nature est comprise à travers le prisme des capacités d’inférer du sujet pensant. La nature est ce que l’être humain peut en dire aujourd’hui et sera ce qu’il pourra en dire demain, ainsi de suite. Relativiser ainsi ton propos ne réduit pas le fait qu’il est pour moi toujours central. Mon ambition est de l’enrichir avec mon hypothèse de la ‘Présence’.

            Lorsque tu interroges : « Qu’est-ce qu’une observation, lorsqu’aucun scientifique n’est là pour prendre la mesure ? Que nous dit la théorie des quanta, là où il n’y a personne pour observer ? Que nous dit la théorie des quanta sur ce qui se passe dans une autre galaxie ? », tu occultes le fait que la mécanique quantique représente l’état de l’art de ce que peut dire un physicien sur les propriétés de la nature à l’échelle de l’infiniment petit. La théorie de la mécanique quantique résulte d’un discours scientifique. Les tentatives de prospecter ce que pouvait nous dire la théorie quantique lorsqu’ aucun scientifique n’est là pour prendre la mesure, ni pour observer, comme ce fut le cas, par exemple, avec la théorie ‘GRW’, n’ont pas proposé le moindre éclairage. En conséquence, qui, autre que l’être humain, est doué de la faculté de discourir sur la nature ? Qui, autre que l’être humain, est doué de la capacité de mémoriser la teneur des discours précédents ? Qui, autre que l’être humain, est doué de la volonté de transmettre les savoirs acquis entretenant ainsi la dynamique de l’émergence des futurs savoirs ?

            Globalement, tu as introduit le scientifique observateur comme faisant partie de la nature à la condition de le considérer à n’être qu’une entité. C’est une opération de réduction comme tu l’exprimes ci-dessous page 97, que je ne peux pas retenir. Certes, le problème de la présence du sujet pensant en physique est récurrent chez les réalistes, comme a pu le signifier, entre autres, S. Weinberg : « Ce que je n’aime pas, dans la mécanique quantique, c’est qu’elle formalise le calcul de probabilité que les êtres humains obtiennent quand ils procèdent à certaines interventions dans la nature que nous appelons des expériences. Or, une théorie ne devrait pas se référer aux êtres humains dans ses postulats (sic). Il serait souhaitable de pouvoir comprendre des choses macroscopiques, comme les appareils expérimentaux et les êtres humains, selon les termes de la théorie sous-jacente. Il n’est pas souhaitable de les voir intégrés au niveau des axiomes de la théorie. » Toi et moi, nous partageons le point de vue de Weinberg et cela explique la raison, entre autres, pour laquelle nous ne pouvons pas adhérer à la théorie du Qbism. Au-delà nous divergeons puisque comme Weinberg tu n’aimes pas qu’il soit fait référence aux êtres humains en tant qu’êtres humains dans les postulats de la mécanique quantique, toutefois, tu les installes dans la nature en tant qu’entité au même titre qu’un objet quantique ! Ce postulat que tu formules, je ne peux m’empêcher de penser de considérer qu’il est en droite ligne de la pensée réaliste vis-à-vis de laquelle la communauté scientifique n’ose pas s’émanciper. L’interdit date, il semble inscrit dans le marbre, je pense à l’injonction d’Einstein à l’endroit de Heisenberg en 1926, lorsque qu’après avoir exposé au grand maître ce qu’il avait découvert sur l’île d’Helgoland[2]

 : « Il me semble, me mit en garde Einstein, que votre pensée s’oriente maintenant dans une direction très dangereuse (sic). Car tout d’un coup, vous vous mettez à parler de ce que l’on sait de la nature, et non pas de ce qu’elle fait effectivement. Mais dans les sciences, il ne peut s’agir que de mettre en évidence ce que la nature fait vraiment (sic). »

            Page 97 : « Le photon observé par Zeilinger dans son laboratoire est une de ces entités. Mais Anton Zeilinger en est une autre. Zeilinger est une entité comme une autre, au même titre que le photon, un chat ou une étoile. » ; Page 98 : « L’essence de ce qui se passe entre un photon et Zeilinger qui l’observe est la même que celle de ce qui se passe entre deux objets quelconques lorsqu’ils se manifestent l’un à l’autre en agissant sur l’autre. » ; « Mais la mécanique quantique ne décrit pas uniquement comment le monde agit sur ces systèmes : elle décrit le grammaire élémentaire et universelle (sic) de la réalité physique, sous-jacente non seulement aux observations en laboratoire, mais à n’importe qu’elle interaction. »

            Bien sûr que non ! Anton Zeilinger n’est pas une entité comme une autre. Zeilinger sait des choses sur les photons et sur bien d’autres choses et ces savoirs-là qui lui sont propres font que ce qui se passe entre un photon et Zeilinger est d’une essence très particulière. Il n’est pas possible d’ignorer que Zeilinger en tant que sujet pensant est une entité qui a un relief spécifique au sein de l’univers, et pas du tout quelconque en interagissant avec une autre entité. Zeilinger a un cerveau réunissant des milliards et des milliards de neurones et de synapses, le tout constituant le substrat de sa cogitation, et de là investir spécifiquement le photon. Peut-être qu’on commence à avoir les moyens de justifier, et donc de dire, que le comportement quantique que l’on prête au photon, est conditionné par le fait que le cerveau humain, dont celui de notre ami Zeilinger, a un fonctionnement qui relève de la mécanique quantique. Si cela se trouvait avéré, alors cette interaction avec une entité quantique de la nature contribuerait, comme cela est depuis la nuit des temps, à ce que les capacités de discernement de l’être humain évoluent, par la conquête de connaissances, en se frottant aux épreuves objectivées lors de la rencontre avec les étants de la nature.

            En prenant en compte ce que tu affirmes, d’une part, page 88 : « Or le point crucial est que l’observateur lui-même peut être observé. Il n’y a aucune raison de penser que l’observateur réel n’est pas, lui aussi, décrit par la théorie quantique. », et, d’autre part, ce que j’infère à priori : le fonctionnement du cerveau de l’observateur, siège de sa réflexion, serait régi par les lois de la mécanique quantique, il y a le risque que nous soyons pris dans une boucle dans laquelle on ne serait plus en mesure de distinguer ce qui est de l’ordre de la tautologie ou de l’ordre de la pensée singulière épiphanique. Toutefois, si on accepte le propos de N. Bohr : « Il n’existe pas de monde quantique. Il n’y a qu’une description quantique abstraite. », l’indication serait que nos capacités de description de la nature à l’échelle de l’infiniment petit seraient intimement corrélées aux modalités du fonctionnement de notre cerveau, siège de nos capacités d’inférer. Personnellement cette idée me convient… je la fais mienne, jusqu’à la preuve de son contraire.

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            La 2e partie de ce chapitre sera publiée le 22/07/2022.

 

[1] Citons le point de vue de R. Penrose : « Il admet également que les concepts de la mécanique quantique puissent intervenir dans la compréhension des phénomènes mentaux chez l’homme. » p.14 chez Flammarion collection Champs : 1999

2 ‘La partie et le tout’ Le monde de la physique atomique. Chez Flammarion collection Champs 1972. P100

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8 juillet 2022 5 08 /07 /juillet /2022 17:24

Le 8/07/2022

A ce jour je publie la dernière partie du chapitre Présence. A partir du 15/07, j’engagerai la publication du chapitre 3 suivant : ‘Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli

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Plus neuroscientifiquement, un livre publié en 2017 clame : « Votre Cerveau est une Machine du Temps ; Les neurosciences et la Physique du Temps ». L’auteur, Dean Buonomano : neuroscientifique, a écrit ce livre dans le but de fournir une réponse à la question suivante : « Pourquoi est-ce que le temps semble couler d’instant en instant ? » De son point de vue, qui est riche de ses observations, et auquel j’éprouve évidemment un très grand intérêt, il révèle comment la quatrième dimension est essentielle à notre existence et bien sûr fondamentale à ce qui fait de nous des humains. Avec les outils que lui fournissent ses compétences scientifiques il infère : comment le temps tisse sa toile dans le monde physique et dans nos cerveaux ? Ce qui fait dire à Sean Carroll (physicien théoricien américain) que Buonomano nous peint : « Une image claire de notre place dans le monde physique. »

Ainsi quand nous tentons d’atteindre une compréhension de plus en plus fine du temps, c’est-à-dire quantique, ainsi que d’appréhender sa source, il en résulte qu’un trait d’union explicite apparaît et conduit à considérer que du lien entre le monde physique et le monde humain il émerge la scansion fondamentale du temps. A ce stade, il est approprié de citer la proposition de Nicolas Gisin dans son article de 2016 (arxiv : 1602.01497v1) « Finalement, parce que la physique – et la science en général – est l’activité humaine ayant pour but de décrire et de comprendre comment la Nature fonctionne. Pour cette raison nous devons décrire aussi comment l’être humain interagit avec la nature, comment on la questionne. » Evidemment, je suis en total accord avec cette proposition fondamentale. De l’interaction homme-nature identifiée, pour le moins raisonnée par Gisin, surgirait le temps. On peut aller plus loin encore en intégrant dans cette proposition, le versant de la question : comment l’être humain a évolué et poursuit son évolution en se frottant et en conquérant une compréhension de la Nature ? 

Au sein de la communauté scientifique la position de Gisin est très originale et quasiment pas partagée. Pour le constater il suffit de reprendre la citation ci-dessus de S. Carroll : « Une image claire de notre place dans le monde physique. » Dans ce commentaire point d’interaction, Carroll reconnaît simplement une juxtaposition, pas de trait d’union projeté. De même L. Smolin à propos de ce même livre nous dit son évaluation : « Le livre de Buonomano est une révélation qui propose une nouvelle vision radicale du cerveau dans lequel la fonction primordiale des circuits neuronaux est de générée des processus dont les actions définissent le temps. Les neurosciences ont besoin d’une révolution avant que nous puissions comprendre comment le cerveau donne lieu à l’esprit. La proposition de Buonomano de comprendre le cerveau comme un ensemble de processus se déroulant dans le temps, pour définir le temps, pourrait être vu comme le début de cette révolution. » Malicieusement Smolin indique qu’il y a une sérieuse étape préalable à franchir avant que la thèse de Buonomano puisse être prise en compte. De toute façon, pour lui, les processus cérébraux ne peuvent avoir lieu que dans une temporalité déjà établie naturellement. En effet la thèse de Smolin est la suivante : Le temps est donné dans la nature, il est réel. C’est au sein de l’univers matériel que se situe le tic-tac de l’horloge naturelle devant être considérée comme l’horloge fondamentale.

N'oublions pas que pour les physiciens réalistes, l’être humain doit être nu de toute contribution dans la conception des lois de la physique et en conséquence des modèles standards de la cosmologie et de la physique des particules élémentaires. Cela constitue pour eux un postulat toujours incontournable.

En vue d’évaluer le bien fondé de mon hypothèse : TpS, et qu’il est un propre de l’homme, afin d’apprécier son ordre de grandeur, je propose la réalisation d’une expérience qui exploite la propriété de l’intrication. En effet, comme je l’ai postulé dans les pages précédentes, TpS correspond à la durée d’une période aveugle, irrémédiable, de notre capacité d’inférer. Le processus d’intrication entre les objets quantiques se réalisent quasiment instantanément, pendant un intervalle de temps très réduit, mais non nulle, au cœur de la durée attribuée à TpS. Considérant que les lois de la relativité restreinte s’appliquent qu’elle que soit la valeur d’une durée très courte différente de zéro, on peut imaginer la réalisation d’une intrication entre deux objets dans un laboratoire terrestre et en soumettre l’observation à un observateur en mouvement assez rapide dans l’espace. En effet, il faudra que le facteur γ (gamma) des équations de la relativité restreinte de l’expérience, soit suffisamment grand pour qu’il produise un effet significatif donc observable. C’est-à-dire, l’intervalle de temps de la réalisation de l’intrication sera suffisamment dilaté vu par l’observateur en mouvement. Dans ce cas, si l’observateur en mouvement ne voit pas le phénomène d’intrication, réalisé dans le laboratoire, produire son effet, c’est-à-dire s’il constate que les deux objets sont séparés, autonomes, distinctement localisés d’un point de vue spatio-temporel, alors mon hypothèse sera vérifiée. De plus à l’occasion on sera peut-être en mesure de constater qu’il y a effectivement des degrés d’intrication. L’opération inverse est peut-être plus confortable à réaliser : l’intrication est obtenue dans le laboratoire en mouvement où se trouve l’observateur cité ci-dessus et c’est l’observateur au sol qui dira s’il constate l’intrication.

J’interprète que mon hypothèse est confortée grâce à une publication fin mai 2022 indiquant, dans Physical Review Letters, que superposition et intrication peuvent être observées indépendamment du cadre théorique qui les décrivent. L’article qui la résume sur le site ‘PhysicsWorld’ du 30/05/2022 a pour titre : « Superposition and entanglement flee the quantum nest », soit : « Superposition et intrication fuient le nid quantique ». « Cela signifie que ces deux effets physiques peuvent être observés, indépendamment du référentiel théorique utilisé pour les expliquer, et une équipe internationale de chercheurs a montré que la connexion entre eux ne dépend pas plus du formalisme mathématique de la théorie quantique. » Ces chercheurs ont prouvé que dans n’importe quelle théorie physique : l’intrication peut exister entre deux systèmes différents si et seulement si la superposition peut exister en chacun d’entre eux.

J’en déduis, si le contenu de cette publication se trouve confirmé, que mon hypothèse du point aveugle se trouvera par la même occasion validée. Selon mon point de vue, de fait, la cause première de l’observation de l’intrication c’est notre propre limite TpS. On ne peut distinguer, différencier, deux objets qui sont associés durant un intervalle de temps inférieurs à TpS. Pour nous, ils sont dans une même bulle spatio-temporelle, superposés, et leur futur spatio-temporel est définitivement indifférenciable.

Les fondements de la mécanique quantique sont la conséquence de cette cause première. Je propose que cette affirmation soit mise en rapport avec la citation dans ‘Prologue’ de S. Hawking et Mlodinov : « Nous modélisons la réalité physique à partir de ce que nous voyons du monde, qui dépend de nous et de notre point de vue… Le monde que nous connaissons est construit par l’esprit humain à partir de la matière brute des données sensorielles, et il est mis en forme par le cerveau. »

Dans le but retrouver les ressorts d’un élan créatif en physique théorique, durant ces trente dernières années, il y eut plusieurs tentatives proposant des nouveaux paradigmes, mais elles se sont avérées et elles continuent de s’avérer infructueuses. Une des plus récentes tentatives peut retenir notre attention mais pas obligatoirement pour considérer qu’elle promet d’ouvrir les portes du succès mais il vaut malgré tout la peine de réfléchir à l’hypothèse du processus de l’émergence. L’auteur principal et premier de cette théorie est Erik Verlinde de l’université d’Amsterdam. Pour présenter le sujet je me réfère à son propre article de présentation et de synthèse dans le courrier du CERN du 2 septembre 2021. Le lecteur pourra constater ce qui est distinct et ce qui est semblable entre l’hypothèse de l’émergence et mon hypothèse du creusement. 

Verlinde : « Beaucoup de lois physiques ‘émergent’ de la complexité grâce à un processus de compression de données. E. Verlinde s’empare du Modèle Standard, de la gravité et de l’intelligence artificielle en tant que candidats pour de futures explications de phénomènes émergents. L’Emergence dit que des phénomènes nouveaux et de types différents apparaissent dans des systèmes vastes et complexes, et que ces phénomènes peuvent être impossibles, ou du moins très difficiles, à dériver des lois qui régissent leurs constituants fondamentaux. Elle traite des propriétés d’un système macroscopique qui n’ont aucune signification au niveau de ses blocs de conceptions microscopiques. De bons exemples sont l’humidité de l’eau et la supraconductivité d’un alliage. Ces concepts n’existent pas au niveau des atomes ou des molécules individuels et sont très difficiles à dériver des lois microscopiques… Un autre exemple frappant peut être l’intelligence. Le mécanisme par lequel l’intelligence artificielle commence à émerger de la complexité des codes informatiques sous-jacents montre des similitudes avec des phénomènes émergents en physique. On peut soutenir que l’intelligence, qu’elle se produise naturellement, comme chez l’homme, ou artificiellement, devrait également être considérée comme un phénomène émergent. »

La tentative de Verlinde d’ouvrir un nouveau chemin théorique qui mettrait en valeur un processus d’émergence est probablement vouée à l’échec car elle est selon mon point de vue à contre-courant de la dynamique vertueuse de l’accès à de nouvelles connaissances en physique. En effet il infère l’idée que le processus de son émergence a pour base : la complexité. L’usage de ce substantif : la complexité, désigne un ensemble qui est délimité et a une autonomie conceptuelle, elle implique la pensée d’un étant permanent, en conséquence définitivement inaccessible à notre entendement. Nous avons pour habitude de qualifier des situations, des évènements, des sujets, des objets, complexes. Et c’est relatif à la personne qui les qualifie ainsi. Ce qui est complexe pour l’un, ne l’est pas pour l’autre. Par contre la complexité, qui est un mot-concept (presque) nouveau rend compte d’une impuissance, d’une incapacité rédhibitoire à ce que notre intelligence puisse décrypter comment, de quoi, elle est faite. La complexité constitue une opacité installée. En conséquence, il n’y aurait plus un au-delà à la connaissance actuelle considérée comme émergente, telle qu’elle est recensée en l’état présent, à l’état embryonnaire, par Verlinde. Proposer une démarche qui vise à accéder à de nouvelles connaissances en prétendant qu’il nous faut assumer de laisser de côté des pans entiers de phénomènes qui nous seraient définitivement incompréhensibles ne correspond pas à ce que l’histoire du développement de la connaissance scientifique nous renseigne. En effet ce qui est apparu, à une époque, trop complexe à décrypter, le fut moins voire plus du tout à une époque suivante puisque des connaissances et des outils théoriques à des étapes intermédiaires ont été maitrisés pour lever le voile sur ce qui était recensé comme une complexité. Elle n’était donc que provisoire.

Je regrette de devoir affirmer que la tentative de Verlinde est vouée à l’échec mais il n’est pas possible de proposer une nouvelle théorie correcte qui se veut aussi profonde sur la base de préalables erronés. 

J’adhère à l’idée que nous vivons des processus d’émergences de connaissances, c’est-à-dire que d’une situation d’ignorance nous accédons à une situation de connaissances. La découverte de la loi de la gravitation par Newton constitue un bel exemple qui parle à tout le monde illustré par le mythe de la chute de la pomme accompagné de son ‘Euréka’. Ce que l’on doit comprendre à travers un processus d’émergence c’est le processus par lequel le complexe qualifié comme tel devient intelligible partiellement ou complètement. Notre quête de connaissances procède par extraction-creusement. On doit considérer que ce processus d’extraction n’a pas de fin car armés de la connaissance d’une couche, d’une strate, du complexe résolu, que nous avions a priori identifié comme tel, on peut après coup, dévoiler une strate suivante, et ainsi de suite. Nous sommes ainsi, effectivement, dans un processus de creusement, de mise en lumière. Prendre en considération le travail de Verlinde est utile parce que cela me permet de pointer où se trouve un clivage très significatif à propos de la généalogie des avancées de la connaissance. Pour lui c’est dans la nature que se trouve le complexe, pour moi, là où on nomme de la complexité c’est là où notre intelligence ne sait pas encore démêler, pas encore discerner. C’est là où il n’y a pas encore de notre part d’aptitude à discerner une règle, une loi qui règnerait dans cet ensemble qualifié de complexe. En partie on peut considérer que le processus par lequel on a au 20e siècle élucidé ce que l’on considérait être du domaine du chaos, constitue une illustration de cette généalogie que je conçois. Sur ce sujet, la complexité illustrée par le chaotique a été décantée lorsqu’on a compris que certains systèmes dynamiques étaient très sensibles aux conditions initiales.

Stipuler que, pour le sujet pensant, de l’irrémédiable complexité se trouve effectivement dans la nature ne peut qu’engendrer des cheminements de la pensée scientifique dont les cibles ne seront que des chimères. Ce qu’il est essentiel de considérer c’est le rapport entre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas encore, parmi tous les possibles. Evoquer tous les possibles, ne présente pas de risque car il y a une communauté scientifique qui veille. Bien que je la juge conservatrice voire paresseuse, elle préserve contre les dérives qui exploiterait : ‘tous les possibles’ d’une manière anarchique, d’une façon personnelle. On ne peut pas oublier qu’avec Dirac, parmi tous les possibles, la possibilité de l’antimatière s’est imposée. On ne peut pas oublier que parmi tous les possibles qui ont été exploités pour rendre compte que l’universalité de la vitesse constante de la lumière était incontournable, in fine c’est l’idée d’Einstein de la relativité du temps qui a été avérée fertile puisque de la relativité restreinte l’auteur a prolongé jusqu’à la relativité générale dix ans après en 1915.

Puisque je cite à nouveau Einstein, à cette étape il est approprié d’analyser l’a priori de sa conception philosophique qui le guide dans sa production scientifique. En effet, A. Einstein est en premier lieu un réaliste convaincu voire inébranlable, c’est-à-dire qu’il est convaincu qu’il y a un monde objectif extérieur à notre perception subjective et le rôle du physicien est de le mettre en évidence. Pour lui les bonnes équations en physique sont celles qui mettent en évidence une indifférence, une invariabilité de résultat qu’elle que soit la position et l’action du sujet pensant. Cette conviction est profonde et elle a surtout le mérite d’avoir servi de fil directeur à son itinéraire de pensées pendant 10 ans et cela l’a conduit à concevoir, à force d’obstination, presque solitairement, les équations de la Relativité Générale. Je n’hésite pas à dire que ces équations sont une des plus belles créations de l’esprit humain. Mais elles ne sont pas universelles dans la mesure où leur champ d’application est limité. Obstinément, je propose de réviser radicalement l’héritage que nous a légué Einstein, on peut considérer que cela est excessif. Il m’arrive parfois de le considérer car j’ai bien conscience que (trop) souvent, je ressasse les contraintes qu’elles impliquent. Toutefois en lisant le dernier livre de Smolin : ‘La révolution inachevée d’Einstein’, cité ci-après, je mesure qu’il n’est pas simple de dénouer la situation.

La phénoménologie de l’émergence survient à nouveau avec Smolin p.235, dans son livre : ‘Einstein’s Unfinished Revolution’ (2019, édit. Penguin) : « En physique quantique l’espace et le temps ne peuvent être ensemble fondamentaux. Un seul peut être présent au niveau le plus profond de notre compréhension ; l’autre doit être émergent et contingent…Je choisis de retenir l’hypothèse que le temps est fondamental, tandis que l’espace est émergent. Ce choix relève aussi de la contrainte qui s’impose à cause de la propriété de la non localité de l’intrication. Le temps est fondamental parce que la causalité l’est. L’espace est émergent parce qu’il y a des événements qui provoquent d’autres événements. Ces relations causales établissent un réseau de relations et c’est donc l’espace qui se dessine. En conséquence l’intrication non locale est due à un résidu des relations sans espace inhérente à l’étape primordiale avant que l’espace émerge… La combinaison d’un temps fondamental et d’un espace émergent implique qu’il peut y avoir une simultanéité fondamentale. A un niveau plus profond, quand l’espace disparaît mais que le temps persiste, un sens universel peut être attribué au concept du ‘Maintenant’ (sic). »

La démonstration théorique que nous propose Smolin pour justifier son choix du temps qui serait solitairement fondamental me plaît beaucoup car elle est en accord avec ma proposition d’expérience pour valider et mesurer TpS. Selon L. Smolin, le temps est fondamental car cela relève de la contrainte de la non localité de l’intrication. L’intrication non locale est due à un résidu des relations sans espace inhérente à l’étape primordiale. Comme Smolin en a l’intuition, l’étape première de la réalisation de l’intrication est une étape qui se réalise sur une durée inférieure à TpS. Cette étape correspond à la constitution de la bulle spatio-temporelle que j’ai évoquée précédemment. Pour nous, elle est sans temps et sans espace mesurable puisqu’il n’y a du temps qui commence à s’égrener qu’au-delà du premier Tic-Tac révolu de la réalisation de l’intrication. Pour nous au sein de ce premier Tic-Tac il n’y a pas encore d’écoulement de temps qui soit identifiable.

                                  Fin du chapitre ‘Présence’

R.V. avec la 1e partie du chapitre : Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli.

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